« Pourquoi mes muscles me semblent-ils raides ? » – (Partie 2)

Publié le 19 mars 2019
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

« Pourquoi mes muscles me semblent-ils raides ? » – (Partie 2)

Dans la première partie de cet article, nous avons discuté de l’hypothèse de Todd Hargrove, thérapeute et auteur, par rapport au phénomène fréquent de muscles raides (les fameuses tensions).

 

À la lumière des dernières données des neurosciences, nous avons vu qu’il s’agit avant tout d’une sensation qui n’est pas liée à un problème mécanique dans la majorité des cas. Nous avons vu que la sensation de raideur s’apparente beaucoup à la sensation de douleur. Tout comme la douleur, la raideur est un signal d’alarme. Elle se produit lorsque nous percevons (avec raison ou pas) qu’il y a une menace sur le plan de notre intégrité musculaire et que celle-ci nécessite une correction. Nous avons émis l’hypothèse que la sensation de raideur cherche à nous prévenir d’un manque de repos ou d’un apport sanguin atténué aux nerfs périphériques qui serait probablement lié au manque de mouvement. On pourrait dire que la douleur au sens courant nous met en garde de ne pas bouger une certaine articulation, tandis que la raideur nous conseille plutôt de mettre celle-ci en mouvement plus souvent.

Nous avons également mentionné que la sensation de raideur était parfois liée à des signaux nociceptifs issus du positionnement des articulations ou du mouvement, tandis que dans d’autres cas le mécanisme en cause était plutôt une hypersensibilisation de notre système nerveux.

Dans cette deuxième partie, nous étudierons les différentes options qui peuvent être utilisées pour moduler et atténuer cette sensation de raideur persistante.

 

Comment s’y prend-on pour réduire la sensation déplaisante de raideur ?

C’est une évidence, il n’existe pas de réponse toute faite à cette question. S’il y en avait une, celle-ci résoudrait de facto le problème de la douleur chronique, ce que personne n’est malheureusement parvenu à faire… jusqu’ici ! Mais si notre hypothèse est vraie et que la sensation de raideur est bien une forme atténuée d’expression de la douleur, alors il sera plus facile de comprendre et de s’occuper de la situation. Voici donc une liste de plusieurs méthodes employées pour gérer la sensation de raideur chronique, ainsi que des réflexions à propos de chaque stratégie à partir de la perspective que nous avons soulevée dans cet article. Vous remarquerez peut-être que ces recommandations vont parfois à l’encontre de ce que les gens ont l’habitude de faire.

 

Les étirements

Instinctivement, nous étirons nos muscles lorsque ces derniers ont été placés dans une position raccourcie pour une période plus ou moins prolongée. Habituellement, cela nous procure un bien-être quasi immédiat. Malheureusement, comme nous en avons déjà discuté, la plupart des gens qui ressentent une raideur chronique ont déjà essayé cette stratégie et elle n’a pas fonctionné. Cela nous suggère que la sensation de raideur tient alors moins d’une mécanique de mouvement entravée que d’une sensibilité exagérée de notre système nerveux. De ce fait, cette information semblerait discréditer l’idée d’entamer un programme d’exercices de souplesse plus extensif et agressif. Si le problème était d’origine mécanique, cela aurait du sens, mais pas dans un contexte d’hypersensibilisation, où le problème pourrait même empirer. D’un autre côté, les étirements peuvent avoir un effet analgésique et relaxant. Donc, les étirements représentent-ils une manière efficace de guérir la sensation de raideur chronique ? Tout comme la plupart des méthodes, la réponse se situe probablement dans une zone grise. Si cela vous fait du bien, faites-le. Sinon, trouver un autre moyen est probablement plus sage !

 

La thérapie manuelle des tissus mous

La thérapie manuelle se présente sous plusieurs formes : massage profond de diverses influences, automassage avec accessoires, technique active release, technique Graston, etc. À l’origine, les bienfaits de ces méthodes étaient expliqués par leur capacité à allonger les tissus mous, à briser les adhérences fibreuses ou encore à « modeler » les fascias (enveloppes musculaires). À la lumière des récentes recherches scientifiques, nous savons cependant désormais qu’il n’en est rien et que ces faits sont presque impossibles à recréer avec la thérapie manuelle. Néanmoins, ces méthodes ont souvent des effets très positifs sur la sensation de raideur chronique évoquée par les patients. Se pourrait-il que le mécanisme de fonctionnement de ces techniques ait été mal compris dès le début ?

En effet, il semblerait que ces méthodes permettent d’atténuer la sensibilité aux informations nociceptives (douloureuses) de notre système nerveux autonome. C’est une réalité bien connue liée à l’inhibition de la nociception, un mécanisme un peu mystérieux de prime abord qui explique qu’une sensation légèrement douloureuse, bien contrôlée, puisse en chasser une autre. En contrepartie, les méthodes manuelles peuvent apporter une douleur passagère qui pourrait toutefois augmenter la sensibilité. Il s’agit donc de trouver un fin équilibre dans le traitement, qui dépend de plusieurs facteurs, comme la personnalité de l’individu qui reçoit les soins, ses perceptions et la capacité du thérapeute à s’adapter. Cela explique sans doute les résultats très variables des approches en thérapie manuelle selon les différents intervenants et les différents patients. Encore une fois, si cette méthode vous fait du bien, il s’agit d’une belle option ! Cependant, ce n’est pas une nécessité absolue et d’autres modalités peuvent être combinées.

 

Les approches basées sur les corrections environnementales et le contrôle moteur

La thérapie du mouvement est essentiellement une approche agissant sur le contrôle moteur. Elle vise à changer les habitudes posturales pour faire place à l’éducation, l’ergonomie, les exercices de proprioception, la conscientisation, la pratique de la relaxation, la recherche de meilleur patron moteur dans les activités, etc.

Nous savons que par définition les habitudes sont difficiles à changer. Mais cette approche vaut néanmoins la peine d’être tentée, particulièrement si la sensation de raideur semble liée à certaines postures ou certains mouvements répétitifs. Bien sûr, lorsque la situation est plus complexe, cette approche sera plus efficace lorsque complémentée par d’autres.

 

Les études montrent que s’entraîner en utilisant une pleine amplitude de mouvement permet d’améliorer la souplesse des articulations, peut-être même davantage que les exercices de souplesse eux-mêmes.

 

Les exercices et le conditionnement physique

Contrairement à la croyance populaire, l’exercice physique ne rend pas les muscles plus courts et moins flexibles. Au contraire, les études montrent que s’entraîner en utilisant une pleine amplitude de mouvement permet d’améliorer la souplesse des articulations, peut-être même davantage que les exercices de souplesse eux-mêmes.

De plus, l’exercice physique génère des adaptations locales dans les muscles, ce qui leur permet d’améliorer leur endurance et de les rendre moins susceptibles de souffrir de détresse métabolique (hausse du seuil de tolérance). L’exercice, c’est bien connu, a aussi un effet analgésique et permet de diminuer l’inflammation qui contribue à l’hyperexcitabilité du système nerveux. L’exercice est d’ailleurs la modalité sur laquelle on trouve le plus de preuves scientifiques quant à son efficacité dans la gestion de la douleur chronique.

Bien sûr, si vous vous surentraînez et ne laissez pas assez de temps à vos muscles pour récupérer, vous éprouverez des sensations douloureuses désagréables et des raideurs. La progression graduelle dans les exercices est la clé ! Cette dernière variera selon plusieurs paramètres comme votre niveau de condition physique de départ et vos antécédents sportifs. Pour amorcer un plan d’entraînement efficace, faites confiance à un kinésiologue, le professionnel de l’activité physique.

 

En conclusion

Lorsque vous ressentez de la raideur musculaire, rappelez-vous que la plupart du temps, c’est justement cela, une simple sensation, et non un problème physique nécessitant une solution d’acharnement thérapeutique. Comme toute autre sensation, nous la percevrons davantage si nous y sommes très attentifs. Et comme toute forme de sensation négative, cette dernière s’amenuisera si vous améliorez votre condition physique générale, votre force et votre endurance, votre contrôle moteur la gestion de votre anxiété et votre santé globale.