Publié le 20 juillet 2017
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.
La décision de s’accorder des congés est parfois difficile à prendre.
Au cœur de ce dilemme se trouvent souvent des préoccupations financières (« je devrais en profiter pour travailler un peu plus et faire plus de sous ») ou encore des enjeux sociaux (« si je continue à trimer dur pendant que mes collègues s’absentent au soleil, peut-être que mon supérieur remarquera mon ardeur au travail et que je pourrai garder mon poste contractuel »).
En Amérique du Nord particulièrement, la tendance est plus que jamais à l’ergomanie (workaholism). Un sondage de 2012 montrait que les travailleurs nord-américains avaient droit en moyenne à 14 jours de congé, mais n’en ont utilisé que 12. C’est peu, si on compare avec la France, où la moyenne était de 30 jours de congé, et l’Espagne, où elle était de 34 (cela vous donne le goût de déménager, non? ).
Pourtant, utiliser à sa pleine mesure ses jours de congé, malgré les tentations de ne pas le faire, est souvent une décision intelligente. En voici quelques raisons.
Vous ferez du bien à votre cerveau, à votre cœur et à votre corps. Les recherches montrent que le seul fait de prendre une journée de congé pour se détendre a des effets positifs sur la pression artérielle, le niveau d’hormones liées à l’anxiété et le maintien d’un poids santé. Si une journée suffit à produire un effet concret mesurable, on peut imaginer aisément qu’une semaine ou deux de congé soit encore plus efficace. Une étude du Framingham Heart Institute a d’ailleurs montré que les femmes qui prennent deux semaines de vacances ou plus par année ont un risque de décès par maladie cardiovasculaire huit fois moins élevé que celles qui ne prennent pas de vacances. Une autre étude réalisée auprès d’hommes présentant déjà des antécédents de risques cardiovasculaires a montré que ceux qui prenaient au moins une semaine de vacances par année avaient trois fois moins de chances de décéder d’une crise cardiaque durant l’année.
Vous serez plus heureux. Ça semble l’évidence même, mais le simple fait d’anticiper des vacances ou un voyage suffit à nous donner un élan de motivation supplémentaire et à améliorer notre humeur. Pour plusieurs, le parcours qui mènera à ces congés bien mérités deviendra en lui-même un objectif à atteindre. Or, établir des objectifs permet de donner plus de valeur à notre dur labeur quotidien et est plus gratifiant.
Vous serez plus efficace. Prendre une pause et se détacher de son travail permet de se concentrer sur ses autres besoins, qu’on néglige malheureusement trop souvent. Préoccupations pour plusieurs : récupérer du sommeil, se détendre et relaxer, faire davantage d’activité physique, prendre le temps de bien manger, se rapprocher de sa famille ou de ses enfants, etc. Un être humain dont toutes les sphères de sa vie sont en équilibre est un être humain mieux dans sa peau, donc plus performant. Qui plus est, au retour au travail, ce gain de performance se fait sentir comme une « légèreté », c’est-à-dire qu’on n’aura pas l’impression de devoir mettre encore plus d’effort.
On devient tout simplement plus efficace au quotidien, naturellement. Ce conseil est encore plus puissant lorsqu’on parvient aussi à se détacher des autres agents stresseurs de notre vie quotidienne : alarme, téléphone cellulaire, ordinateur, etc. Pas convaincu ? Faites l’expérience pendant une semaine, les résultats vous surprendront.
POURQUOI JE TOMBE TOUJOURS MALADE QUAND JE PRENDS ENFIN DES VACANCES ?
Peu de choses sont plus décevantes que de s’accorder enfin un peu de repos bien mérité, uniquement pour passer notre précieux nouveau temps libre à se moucher sans relâche et à éternuer. Ce phénomène porte même un nom : maladie des vacances (leisure sickness). C’est le psychologue allemand Ad Vingerhoets qui a nommé ce trouble et s’est penché sur la question, constatant qu’il y a un vide dans la littérature concernant cette problématique, mais de nombreuses expériences anecdotiques dans le monde.
Dans une recherche portant sur 1800 personnes, le psychologue a demandé aux volontaires s’ils tombaient fréquemment malades lorsqu’ils prenaient des vacances. Un petit pourcentage (54 personnes) ont répondu qu’ils avaient constaté que c’était le cas. Alors, sile phénomène de maladie des vacances existe bel et bien, quelles pourraient en être les causes physiologiques ? Vingerhoets a émis plusieurs hypothèses.
L’hypothèse la plus répandue soutient que, lorsque nous obtenons finalement la chance de nous détendre, les hormones qui nous aident à gérer notre niveau de stress quotidien se retrouvent déséquilibrées. Nous serions ainsi plus vulnérables aux infections telles que le virus du rhume commun. Il est scientifiquement admis que le neurotransmetteur adrénaline nous aide à contrôler notre stress tout en renforçant notre système immunitaire. Avec l’adrénaline, notre corps sécrète aussi du cortisol, une autre hormone. Ce dernier agit sur le niveau d’éveil et est impliqué dans la gestion du stress, mais une concentration trop élevée de cortisol a des effets néfastes sur le système immunitaire. Si la transition entre travail intensément stressant et vacances s’effectue rapidement, il semble donc plausible que nous soyons plus prompts à contracter une infection. Des études restent à faire pour donner du poids et établir des valeurs à cette hypothèse.
Une autre hypothèse soutient que les gens qui tombent malades lorsqu’ils prennent des vacances pourraient être déjà infectés avant même de quitter leur travail, mais n’y accordent tout simplement pas assez d’attention. À ce sujet, les psychologues ont remarqué que, plus il y avait de distractions autour de nous, plus nous étions susceptibles d’ignorer des symptômes bénins du rhume, comme des douleurs articulaires ou une gorge irritée.
La faiblesse de cette hypothèse réside cependant dans la variété de symptômes décrits par les gens qui expérimentent la maladie des vacances. En effet, même s’il est relativement facile de ne pas porter attention à des douleurs minimes ou à un assèchement de la gorge en se tenant frénétiquement occupé par son emploi du temps, il est assez difficile d’ignorer des maux de tête ou un nez qui dégouline !
Finalement, un autre élément des congés pourrait être responsable du phénomène du rhume des vacances : les voyages. L’action de prendre l’avion elle-même est exigeante physiquement. Plus le vol est long, plus le système immunitaire est sollicité. Outre la fatigue générée par le vol lui-même, la proximité des passagers dans un avion facilite la transmission des germes et le développement des infections. Des scientifiques qui se sont penchés sur le sujet ont rapporté que les chances de contracter une infection des voies respiratoires bénigne comme le rhume augmentaient de 20 % pour les gens qui volaient souvent.
Ce n’est pas une statistique pour vous décourager de voyager, car les bienfaits du dépaysement surpassent souvent les risques, mais cela pourrait représenter une explication possible. En conclusion, il est tout à fait possible que le phénomène mette en cause plusieurs de ces hypothèses simultanément.
RÉFÉRENCE
VINGERHOETS, Ad. “Leisure Sickness : A biopsy-chosocial perspective”, Psychological topics, vol. 16, no 2, 2007.