Publié le 20 septembre 2018
Écrit par Anny SCHNEIDER, Auteure et herboriste-thérapeute accréditée
« Les roses que tu vois tomber, les fruits et les épines demeurer, t’enseignent finalement ceci finalement, qu’on ne peut juger, ni rien ni personne, jusqu’à la fin. » – Proverbe français du XVIIe siècle.
Comme les êtres humains et les animaux, les plantes ont développé des moyens de défense efficaces pour éviter de se faire dévorer. Parmi les mécanismes qui ont fait leurs preuves, on trouve les aiguilles et les épines plus ou moins développées des arbustes épineux.
Toutefois, leurs attributs ont des utilités à tous les stades, même si leurs fruits constituent souvent leurs principaux attraits.
Argousier (Hippophaë rhamnoides)
En anglais, l’argousier s’appelle sea buckthorn, car il aime la proximité de l’eau en général et de la mer en particulier, mais surtout les sols sablonneux, où il pousse à l’état sauvage dans une grande partie de l’Europe et de l’Asie, mais il est facile à cultiver ici.
Les peuples nomades de la Russie et de la Scandinavie en font des marmelades sucrées au miel ou sirop de bouleau pour l’apport en vitamines l’hiver.
Ce sont les Suisses et la compagnie Weleda qui ont popularisé l’argousier avec plus de 200 produits qui en contiennent, sous forme de jus ou de sirops antioxydants aux vertus régénératrices et dépuratives.
Au Québec, plusieurs compagnies en cultivent pour extraire les acides gras tirés des graines et en faire des produits cosmétiques antirides de grande qualité. En tisane, ses feuilles sont bénéfiques pour les intestins irrités et les articulations douloureuses. Il s’est même révélé capable de décontaminer des sols radioactifs en Russie.
Mise en garde : évitez les cures et les hautes doses d’argousier en cas de goutte, d’hyperacidité et de pathologies rénales sérieuses.
L’aubépine (Cratægus oxyacantha et ssp.)
Arbuste précieux de la famille des rosacées, l’aubépine pousse partout où on la laisse croître en paix.
Noms communs : aubépin, bonnet de nuit, bouquet de mariée, buisson blanc, épine fleurie, herbe tranquille, ripipi, senellier, valériane du cœur.
Noms anglais : hawthorn, cheese tree, fairy tree, maytree, white thorn.
Historique : le nom botanique de l’aubépine vient du grec « kratos », qui signifie « dur », en référence à la dureté de ce bois, et d’« oxus », qui veut dire « pointu », combiné à « akantha » qui signifie « épine ». Son nom anglais vient du celtique « haw », qui veut dire « haie », évoquant l’utilisation millénaire de l’aubépine comme haie de séparation des pâturages. La couronne d’aubépine a la force évocatoire du symbole ultime du sacrifice du Christ.
Les biochimistes et chercheurs allemands, russes et français se relayent et découvrent, depuis 1956, les explications des effets bénéfiques sur l’appareil cardiovasculaire, avec les trouvailles comme les flavonoïdes présents dans les fleurs et fruits : les proanthocyanidines (Nikolov, 1969), de même que la b-phényléthylamine, la tyramine et la vitexine découvertes par Wagner la même année. C’est le Dr Léon Binet, célèbre homéopathe français, qui surnomme l’aubépine à juste titre « la valériane du cœur ». Il existe autour de 1000 espèces d’aubépines, dont environ 800 poussent en Amérique du Nord.
Parties utilisées : les bourgeons sont cueillis en mars ou avril, selon la latitude. Avec les fleurs, ils servent à traiter l’anxiété, l’insuffisance cardiaque et les crises d’hyperthyroïdie (deux sommités infusées dans 250 ml d’eau, trois fois par jour, entre les repas). Les feuilles en début d’été sont utilisées en décoction ou séchées, à raison d’une cuillerée à thé en infusion, contre les bouffées de chaleur. Les fruits, mangés crus sans les noyaux, 50 g à la fois, ou encore 15 g séchés en décoction ou en compote, de 2 à 3 fois par jour, servent à contrer la fatigue, la faiblesse générale et la diarrhée. Les bourgeons, les fleurs, les feuilles et les fruits peuvent être préparés en teinture mère et consommés trois fois par jour à la dose habituelle (de 7 à 21 gouttes) entre les repas.
Anecdote : une vieille croyance celtique dit que de porter sur soi un rameau d’aubépine éloigne le chagrin et attire la joie, la fertilité et même le succès à la pêche, et son rameau épineux peut aussi servir d’hameçon !
Épine-vinette (Berberis vulgaris)
Historique : les anciens Égyptiens utilisaient couramment l’épine-vinette comme prophylactique et comme traitement en cas d’épidémies de choléra. Cet usage est justifié par de nombreuses études cliniques, selon l’herboriste américain Michael Castleman, qui confirme les effets antibiotiques de l’arbuste contre les streptocoques et les staphylocoques, les champignons, les salmonelles et même le vibrion du choléra.
Dans tout le Moyen-Orient et dans beaucoup d’épiceries iraniennes et syriennes, on trouve toujours bien en vue des baies d’épine-vinette fraîches ou séchées qui servent d’accompagnement savoureux et digestif pour les poissons et les viandes ou de base pour une décoction hygiénique.
L’épine-vinette, surtout la variété Berberis rubra, fait une superbe haie à baies rouges abondantes qui attirent les oiseaux tout en éloignant les intrus par ses piquants.
Utilisations : de l’hiver au printemps, on peut recueillir l’écorce de l’arbuste en taillant respectueusement les rameaux secondaires, dont on peut faire des teintures dans le double de la masse des rameaux découpés finement au hachoir. On peut aussi faire des décoctions légères avec une cuillerée à thé bouillie dans une tasse d’eau pour activer l’écoulement biliaire et améliorer la digestion et le transit intestinal, mais aussi freiner les hémorragies utérines anormales.
Les fruits peuvent être séchés et conservés dans un bocal une année, transformés en confiture ou en pâte de fruits, ou consommés frais à raison de 15 baies maximum à la fois. Dans une cure où l’on cible un foie atteint de stase biliaire ou d’hépatite chronique, on peut ajouter des plantes adjuvantes comme la camomille, le pissenlit ou le fenouil en parts égales, consommées en décoction tiède avant chaque repas de deux à trois semaines de suite.
Mise en garde : il faut éviter de prendre de l’épine-vinette en cas de colite chronique et aussi durant la grossesse à cause de ses effets très purgatifs.
Mûres (Rubus fructicosus)
Les feuilles en tisane ou en infusion se prennent en gargarisme et soignent les inflammations de la bouche et de la gorge. Elles sont riches en chlorophylle et en minéraux. Les fruits mûrs cueillis en juillet et en août contiennent du fer et beaucoup d’antioxydants.
Noms communs : aronce, brâche, ronce des buissons, roumi.
Noms anglais : blackberry, brambleberry, dewberry, goutberry.
L’historien Pline tenait la ronce en haute estime et précisait que, même si la superstition populaire la pense malfaisante, elle est très salutaire contre les inflammations des gencives, des amygdales et des parties génitales, et elle est un remède unique, ajoute-t-il, contre les maladies de la bouche et des yeux, les crachements de sang, les affections de la matrice et même la maladie cœliaque, déjà identifiée alors. Une vieille légende juive dit que Jonathan, le fils du roi Saül, qui était très proche de la nature, avait demandé aux arbres de choisir leur souverain et, bien en avant du figuier et de l’olivier, ils ont choisi la ronce omniprésente.
Il est important de laisser pousser sinon de planter ou de transplanter les plants de deuxième année si on veut obtenir des fruits la saison suivante.
Note : « mûre » est le nom commun donné à tous les fruits noirs du genre Rubus. Mais en réalité, les vrais mûriers (Morus alba ou rubra) sont des arbres d’origine asiatique qui portent des fruits d’aspect très similaire.
Utilisations : on cueille les feuilles des tiges de la première année et on peut les utiliser fraîches en décoction (trois feuilles par tasse) ou séchées en hiver en tisane (une cuillerée à thé par tasse) pour diverses indications : aphtes, maux de gorge, acidité gastrique, basse pression et diarrhée.
Prolonger la cure de trois à dix jours, une tasse avant chaque repas. La décoction des feuilles en douche vaginale soigne les pertes blanches, et en compresses, les maladies de peau et diverses suppurations. Les fruits eux-mêmes donnent leur meilleur quand ils sont crus, mûrs et mangés sur place, bien mastiqués, car les graines coriaces peuvent irriter les intestins. On peut les congeler étalés sur une lèchefrite pour qu’ils ne collent pas en bloc et les utiliser comme glaçons ou décorations originales de nos cocktails et desserts. Les mûres entières sont d’excellents fruits toniques qui donnent de l’énergie rapidement. Ils sont permis aux diabétiques et fortifient aussi les anémiques et hypotendus.
Recette savoureuse
Sirop de mûres de mon papa
Laisser fermenter les mûres durant deux jours dans un seau couvert d’un linge propre. Le troisième jour, égoutter les mûres dans la gaze fixée à un crochet avec une corde enroulée. Transférer le jus égoutté dans une casserole après y avoir ajouté le même volume de sucre, puis le dissoudre en remuant lentement à la cuillère de bois pendant 10 minutes.
Retirer du feu, laisser refroidir, transvider dans les bouteilles et fermer les contenants avec un bouchon de liège. Entreposer le sirop dans un endroit frais et sec, et consommer dans les six mois. Garder au frais les bouteilles entamées.
Ce sirop antioxydant se boit dilué dans cinq fois son volume d’eau et a des effets rafraîchissants et toniques. Il soulage l’inflammation des muqueuses de la bouche et de la gorge.
Rosier (Rosa eglanteria, canina, gallica, rugosa et ssp.)
Noms communs : cocquart, cébreur, gargouilloux, gratte-cul, églantier, rosier des apothicaires ou des chiens.
Noms anglais : briar, hiptree, dog rose, apothecary rose, French rose.
La découverte d’un haut taux de vitamine C et de bioflavonoïdes dans le fruit du rosier ramena sur la sellette médicinale cet arbuste merveilleux.
À partir d’une dizaine d’espèces souches, dont Rosa canina sauvage, Rosa damascena et Rosa gallica sont les plus connues, on a développé environ 17 000 variétés de rosiers hybrides !
Les pétales de toutes les espèces de roses (non traitées chimiquement, bien sûr) sont cueillis après que la rosée ait séché sur les fleurs au début de leur éclosion et servent à faire toutes sortes de recettes culinaires et médicinales. Le plus simple est de les incorporer dans les salades et d’en garnir joliment les desserts.
Il faut faire sécher les pétales de roses étalées en une fine couche sur du papier de riz dans un endroit chaud, sombre et sec pendant quelques jours. On peut les conserver à l’abri de la lumière dans des bocaux pour en faire de douces et fragrantes tisanes émollientes, à raison de quatre à cinq pétales par tasse d’infusion. On peut aussi en faire des teintures mère qu’on intègrera broyées à l’état cru dans de l’alcool avec le double d’alcool, de vin ou de vinaigre, qu’on filtre au bout d’un mois. Cet extrait concentré peut se prendre à raison de 10 à 20 gouttes à la fois, pur ou dilué, contre les inflammations des muqueuses internes, de la bouche à l’intestin, et se révèle également bénéfique pour les poumons encombrés de mucus indésirables.
On peut faire du fruit, aussi appelé « cynorrhodon », une décoction rapide avec macération prolongée pour ne pas altérer la vitamine C (un fruit par tasse) et en boire plusieurs, en période d’épidémie de grippe. On peut aussi en faire une teinture-mère pour en préserver les vertus le plus longtemps possible.
L’eau de rose, résidu de la distillation des fleurs, est un bon pis-aller intéressant pour parfumer les desserts orientaux ou simplement pour l’appliquer en lotion ou en compresse sur la peau comme cicatrisant ou astringent contre les peaux grasses ou les pores dilatés.
Les roses se lient bien aux matières grasses et on peut faire diverses pommades avec des roses mijotées dans le double de beurre de coco, le saindoux ou un cérat à l’huile d’olive, par exemple.
Au-delà de ses épines, outre sa beauté et son parfum, cette fleur merveilleuse nous parle à travers maints poètes, comme Ronsard :
« Vivez, si vous m’en croyez, et cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie ! »
Une bonne philosophie pour la rentrée et le retour à la routine !