Premières récoltes médicinales et nutritives du printemps

Publié le 13 mai 2021
Écrit par Anny Schneider, auteure et herboriste-thérapeute accréditée (HTA)

Premières récoltes médicinales et nutritives du printemps

« Tout ce que chacune de tes saisons amène est un délice pour moi, ô Nature ! 

Tout ce qui vit, provient de toi, subsiste grâce à toi et te reviendra. »

— Marc Aurèle, Méditations 

 

Ah mai, le joli mois de mai ! Avec lui ont enfin réapparu toutes ces merveilles : dans l’air, la douceur d’une température plus proche de la nôtre ; des oiseaux du sud revenus nous visiter ; et surtout sous nos pieds, le tapis vert végétal diversifié avec lequel nous aimons tant nous enchanter, nous régaler et nous soigner.

Apprenez à reconnaître et à cueillir au bon moment ces plantes qui sont autant de médicaments, d’ornements mais aussi d’aliments qui renferment de précieux nutriments : antioxydants, enzymes, protéines, sucres, vitamines et minéraux, et tant d’autres éléments en quantités plus minimes mais pas moins importantes.

Souvenez-vous qu’une pelouse artificielle contient rarement plus de 4 plantes sélectionnées, alors qu’une prairie sauvage peut héberger autour de 400 espèces qui se relaient, chacune à son temps, saison après saison, dans une joyeuse interdépendance alternée !

Sachez profiter de ce potager et de cette pharmacie verte et fleurie qui pousse et s’offre à vous, gratuitement, sous vos yeux, à vos pieds !

 

Précautions pour une cueillette éthique et saine

* Cueillir uniquement les journées ensoleillées autour du zénith après que la rosée a séché, jamais les jours de pluie, sauf pour les salades. 

* Toujours choisir un endroit sain, loin des routes passantes, d’une fosse septique, sans déjections d’animaux. 

* Évidemment, ne jamais récolter dans une pelouse traitée aux herbicides, une pratique désormais prohibée dans plusieurs municipalités. 

* Avant d’en faire une salade, rincer dans 2-3 eaux avec un peu de vinaigre, avant une décoction aussi. En ville, après rinçage, privilégier les teintures mères dans l’alcool ou le vinaigre de cidre de pommes bio. 

* Toujours brosser et laisser sécher au soleil les racines durant quelques heures, à moins d’en faire une décoction immédiate (bardane, chiendent, pissenlit).

* Si on cueille à la campagne, il faut systématiquement demander leur permission aux propriétaires, se limiter à 1 plant sur 20 et épargner les racines. Évidemment, ne jamais cueillir dans les parcs nationaux ni les réserves protégées, sous peine d’amende salée.

 

Plantes printanières comestibles les plus accessibles

Alliaire (Alliaria officinalis ou petiolata) : Son nom botanique, officinalis, indique qu’elle est reconnue depuis longtemps comme outil thérapeutique. Effectivement, cette brassicacée soigne les bronchites rebelles, dissout les mucosités et stimule le système immunitaire. Elle est piquante et amère, et à cause de son haut taux de vitamine C et de sulforaphanes, on conseille de la cuire très rapidement. Ces dernières années, elle a envahi tout le sud du Québec et on la considère à tort comme une espèce exotique envahissante (EEE) à éradiquer.

Chénopode (Chenopodium album et sp.) : On lui doit l’expression « Ne jetez pas vos choux gras ! » Effectivement, cette adventice des jardins échappée de culture est extrêmement nutritive et riche en vitamines A et C ainsi qu’en fer et autres minéraux. On peut la faire cuire à la vapeur ou l’incorporer à une soupe. Ses graines mûres sont très riches en amidon, en lipides et en protéines.

Chiendent (Agropyron repens) : On l’appelle la « peste des jardiniers », et pourtant les chiens l’adorent pour se purger les intestins et le sang avec ses feuilles coupantes mais agréablement sucrées, saturées de chlorophylle et de vitamines E et C. Les racines en décoction sont de puissants dissolvants des pierres aux reins et à la vésicule.

Galinsoga (Galinsoga parviflora) : Cette autre plante d’origine latino-américaine est très invasive et s’est formidablement bien adaptée à nos jardins et pelouses. Au-delà de son goût terreux, sa consistance est douce et elle est très riche en nutriments de base (protéines, fibres, mucilages et minéraux). En Colombie, on la boit en tisane pour soigner les cystites et les colites.

Lierre terrestre (Glecoma hederacea) : Ce couvre-sol très vivace aux fleurettes violettes labiées et au parfum camphré se boit bouilli ou séché en tisane contre le rhume, les allergies et toutes sortes d’inflammations, des intestins aux sinus. On peut même inspirer par le nez sa poudre séchée pour le déboucher et soulager certaines céphalées ! On peut ajouter ses petites fleurs mauves suaves et sucrées à une salade ou à un dessert.

Marguerite (Chrysanthemum leucanthemum) : Ce sont ses toutes jeunes feuilles ondulées et sucrées qu’on repère et qu’on consomme telles quelles ou ajoutées à la salade dès la fonte des neiges. Flavonoïdes, provitamines A, minéraux, mucilages et saponines lipotropiques, la gentille marguerite contient tout cela.

Mauve (Malva moschata) : Dès le dégel, on peut cueillir ses petites feuilles en rosette, riches en mucilages et en vitamines A, C et E, et l’incorporer à une salade. Plus tard en été, on peut aussi manger ses jolies fleurs blanches ou roses doucement laxatives, crues de préférence ; c’est l’une des meilleures plantes émollientes et/ou adoucissantes. Elle répare les muqueuses en douceur, des poumons aux sinus, de la gorge au colon terminal. En externe, autant ses feuilles que ses fleurs sont antirides, cicatrisantes et hydratantes. 

Menthes (Mentha piperita, spicata, viridis) : La menthe est l’une des plantes les plus appréciées dans le monde entier pour ses propriétés digestives, toniques et rafraîchissantes. On la retrouve dans plusieurs plats et salades (taboulé, salade de fruits), sinon bue en décoction digestive.

Mouron des oiseaux (Stellaria media) : Cette délicate plantule au goût de terre contient presque toutes les vitamines autant hydro que liposolubles, des mucilages et des pro-hormones immunostimulantes, émollientes et laxatives. On peut la manger en salade ou ajoutée à la soupe, sinon marinée dans le vinaigre. Sa minuscule fleur en étoile blanche nous indique de bonnes pistes intérieures à suivre.

Ortie (Urtica dioïca) : Plante des friches riches en azote, puissante dépurative du sang, diurétique et reminéralisante. Ses feuilles piquent au contact à cause de l’acide formique de ses poils urticants. Ses jeunes feuilles se mangent en potage ou sautées à la casserole. Pareillement pour sa cousine indigène des forêts matures : la Laportea canadensis.

Onagre (Oenothera victorini) : Grande plante pourvue de gousses ou de siliques, qui contiennent de nombreuses graines riches en acides gras essentiels, excellents régulateurs hormonaux et immunitaires. Ses jeunes feuilles aux nervures grenat, surtout les plants de première année, ses fleurettes jaunes, et même en fin d’été ses siliques et graines cuites se mangent aussi.

Oxalide (Oxalis acetollosa ou montana (en forêt)) : Cette surette est très riche en vitamine C et en acide oxalique. On peut la manger en trempette ou en salade, sans néanmoins exagérer. En externe, elle soigne les plaies infectées et aide à clarifier le teint brouillé. La variété des prés, à fleurs jaunes, est la plus répandue, et ses feuilles sont plus tendres.

Patience (Rumex crispus ou orbiculata) : Ses toutes jeunes feuilles peuvent se manger en salade ou en soupe. Plus souvent, on utilise la racine pour ses effets laxatifs et dépuratifs. Elle est très riche en fer ; d’ailleurs, elle est garnie de nombreuses graines rouillées qui attendent le printemps pour se resemer.

Plantain (Plantago major ou lanceolata) : Les feuilles du plantain écrasé soulagent immédiatement les piqûres d’insectes. En décoction et en soupe, il adoucit les muqueuses des bronches et des intestins. On l’emploie aussi en onguent contre les plaies et les hémorroïdes. Ses graines sont nutritives et laxatives.

Pissenlit (Taraxacum officinale) : Les premières feuilles de pissenlit du printemps constituent une excellente source de vitamine A et de minéraux (calcium, magnésium, fer), et la racine est riche en potassium et en inuline. Les fleurs en salade, en tisane et même transformées en vin soignent le foie. 

Prêle (Equisitum arvense) : Ce sont vraiment les toutes jeunes pousses de la prêle qui sont comestibles. En vieillissant, elles contiennent trop de minéraux et particulièrement de la silice, qui peut être irritante pour les reins et qui convient mieux à l’usage externe. Les plants femelles du printemps peuvent s’ajouter à un potage vert ou même être sautés à la poêle avec des échalotes ou incorporés dans une omelette. On peut évidemment en faire un concentré liquide dans le vinaigre de cidre de pommes biologique. 

Violette (Viola spp.) : Toutes les feuilles et fleurs de violette (30 variétés au Canada) sont comestibles, même crues en salade. Elles soignent surtout les problèmes respiratoires et pulmonaires. Leurs feuilles nettoient le sang et la lymphe, et soulagent le cœur. Quand on est trop nerveux, dépressif ou atteint de troubles obsessionnels compulsifs, la qualité du sommeil s’en ressent, et un simple sirop de violette peut l’améliorer.

 

Remarque : Je ne vous propose pas une recette de salade précise, mais chacune des feuilles des plantes décrites ci-haut, à raison d’une poignée ou de 10 grammes frais par espèce, se consomme bien avec une vinaigrette saine : ail, huile de cameline ou de chanvre du Québec, vinaigre de cidre de pommes et une pincée de sel aux herbes ou aux algues du grand fleuve, pourquoi pas ?

 

Conclusion : Avant de consommer ces plantes à coup de bols à soupe ou d’assiettes pleines, assurez-vous que ce sont les bonnes espèces que vous cueillez. Une sortie guidée avec un ou une spécialiste effectuée lors de chacune des trois belles saisons vertes aidera beaucoup à l’identification organoleptique hors de tout doute. 

Que ce joyeux printemps tant attendu vous incite à gambader dans les champs, pour vous émerveiller, vous nourrir et vous soigner avec la pharmacie de dame Nature !

En 2000, elle remporte le prix Alphonse-Desjardins pour son ouvrage Plantes sauvages médicinales, publié l’année précédente, aux Éditions de l’Homme. Anny Schneider est l’auteure de six livres, membre de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois et membre d’honneur de la Guilde des herboristes du Québec. annyschneider.com

 

Références bibliographiques : 

Coon Nelson Using wayside plants Book Club Edition 1969, Martha’s Vineyard USA, 288 pages

Lamoureux Gisèle Toute son œuvre grandiose, particulièrement Flore printanière Plantes sauvages comestibles chez Fleurbec.com éditeur, St Henri de Levis.

Schneider Anny Je me soigne avec les Plantes Sauvages 2011, 302 pages et Plantes médicinales indigènes du Québec et du sud-est du Canada (2020) Montréal : Éditions de l’Homme, 2020, 265 pages