Préserver ceux que l’on aime d’un glissement !

Publié le 30 janvier 2024
Écrit par Sylvie Leblanc, n.d.

Préserver ceux que l’on aime d’un glissement !
Now pour juillet

En ce début d’année, c’est l’heure des remises en question pour plusieurs. J’aimerais par cette chronique mettre en lumière un phénomène de plus en plus fréquent, malheureusement. Le modus operandi préconisé par la santé publique lors de la crise sanitaire a créé un autre type de « pandémie » chez nos aînés. En les isolant, en prônant ces « campagnes d’information » ad nauseam, certaines des mesures instaurées ont créé chez certains de nos aînés un genre de trauma.

Plusieurs chercheurs, témoins des conséquences de la pandémie, se sont penchés sur le sujet, et ont observé que de trop nombreux résidents en CHSLD ont souffert de l’isolement. Une lassitude, un renvoi vers soi, un isolement peut créer ce que l’on appelle le « syndrome de glissement ». Après cette période, plusieurs intervenants ont redécouvert l’impact de ce syndrome qui peut devenir délétère.

Ce terme fut évoqué pour la première fois en 1956 dans la thèse d’un chercheur français, le Dr Jean Carrié, gériatre, en lien avec les suivis de personnes âgées dans des hospices. Le syndrome de glissement est un concept gériatrique français sans cause médicale. Il n’est pas reconnu comme une pathologie et n’est pas mentionné dans la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V). La sphère anglo-saxonne de la médecine n’est pas enthousiaste quant à ce diagnostic, mais à cause des séquelles sur nos aînés, depuis la pandémie, il est de plus en plus mis en évidence.

Ce phénomène se présente un peu comme une malheureuse chute de dominos. Ce syndrome peut apparaître à la suite d’une maladie infectieuse, d’un trauma, d’une chirurgie, d’un choc émotionnel comme le deuil, d’une hospitalisation, notamment, et il déclenche un déferlement de réactions rapides qui dégradent gravement la santé et la qualité de vie d’une personne. Le syndrome de glissement s’installe quand les aînés sentent que leur vie se transforme en survie.

 

Soyons à l’écoute et soyons vigilants devant certains signaux que pourraient développer nos aînés (cela débute souvent par un désintérêt, comme si l’aîné n’avait plus envie de rien) :

  • Un refus de s’alimenter entraînant une dénutrition, une perte de poids et une perte de masse musculaire, donc une faiblesse et des risques de chute;
  • Un refus de boire ou une perte de sensation de soif provoquant une déshydratation, ce qui, dans des cas sévères, peut amener des infections urinaires, voire une confusion à cause d’un taux élevé de créatinine, entre autres;
  • Un repli sur soi, une communication de moins en moins fréquente de la personne avec son entourage;
  • Une incontinence ou une négligence de la toilette, un manque d’hygiène;
  • Une forte fatigue, probablement due à un manque d’alimentation et d’hydratation;
  • Une opposition aux soins peut se présenter avec une agitation ou même de l’agressivité;
  • Une forte angoisse comme la peur d’être seule, de tomber ou d’être malade;
  • Des problèmes cognitifs qui peuvent être induits par la dégradation de l’état de santé, ce qui ultimement augmente le risque de chute et rend l’aîné plus vulnérable aux infections.

 

Comme il s’agit d’un syndrome, dès l’apparition des symptômes, le protocole généralement appliqué tend à exclure certains problèmes de santé avec l’aide des médecins ou de divers spécialistes de la santé (physiothérapeutes, nutritionnistes, etc.). Voyons quelques problèmes qui pourraient s’apparenter à ce syndrome ou qui devront faire partie de la liste d’exclusion au moment de déterminer s’il s’agit bel et bien du syndrome de glissement :

  • Alzheimer et autres démences;
  • Accident vasculaire cérébral (ischémie transitoire);
  • Hématome sous-dural;
  • Tumeurs;
  • Maladies infectieuses;
  • Hypothyroïdie.

Il peut s’agir de facteurs iatrogènes (médications, etc.).

 

Trucs et astuces pour renforcer et maintenir une bonne hydratation et alimentation :

Afin de tonifier et d’améliorer le goût de la nourriture, il faut des nutriments précis. Or les vitamines du groupe B sont essentielles, ainsi que de nombreux acides aminés, et doivent être consommés tous les jours. Les levures alimentaires en sont de bonnes sources, pourvu qu’il n’y ait pas de chaleur, car la cuisson altère le potentiel de ces éléments. Il existe aussi des levures liquides que l’on peut ajouter aux boissons, pour faciliter l’hydratation.

On peut aussi donner à certaines personnes affaiblies un jus de légumes ou de fruits pour rétablir un peu leur appétit ainsi que leur glycémie, et permettre une hydratation remplie de vitamines et de minéraux. La poudre à ajouter pour obtenir un jus vert ou les boissons de fruits et de légumes verts maintenant offertes par différentes entreprises sont des suppléments fortifiés souvent très intéressants, car ils sont servis sous forme liquide, donc facilitent l’ingestion. Notez bien que les personnes affaiblies peuvent avoir, selon la dénutrition, des problèmes de déglutition, donc l’état liquide devient un atout.

Dans les solutions à préparer liquides, les poudres de protéines sont très populaires. Si la personne n’est pas intolérante aux produits laitiers, je considère que les poudres d’isolat de protéine de lactosérum sont un bon choix, et ont parfois peu de goût, donc se dissimulent plus facilement ! Elles sont des précurseurs de glutathion, qui est un antioxydant des plus intéressants chez les convalescents. Vous pouvez les ajouter à un yogourt, végétal ou non, dans des préparations pour crêpes, dans des muffins, dans des céréales chaudes en fin de cuisson ; elles offriront des protéines, des minéraux et des antioxydants de choix.

Une plante qui est connue depuis des millénaires pour ses nombreuses vertus est le fenugrec. Le fenugrec, ou Trigonella foenum-graecum, est parfois appelé « trigonelle » ou « sénégrain ». Il peut être consommé de bien des façons. Notez qu’en grains, il a un goût amer, ce qui en rebute certains ; en pousses, c’est parfait ; et en capsules, pas de problèmes. Le fenugrec a tellement de bénéfices santé, c’est formidable. Cette plante, grâce à un alcaloïde appelé « trigonelline », peut stimuler le cerveau et ainsi lutter contre un déclin cognitif tout en améliorant l’humeur. Chez certains, cela peut prédisposer à un meilleur appétit. La trigonelline se trouve aussi dans les graines de chanvre, que vous pouvez ajouter facilement à plusieurs aliments. Certains auteurs citent le café comme source de trigonelline, mais sachez que, si vous aimez votre café bien corsé, sa torréfaction détruit la fameuse trigonelline, c’est vraiment dans le café vert que nous en retrouvons le plus. Zut !

Le fenugrec ne saurait être recommandé en toutes circonstances, il est d’ailleurs à éviter lors de la grossesse ou de l’allaitement.

En cas de syndrome de glissement, ce n’est pas le moment de se lancer dans l’orthorexie, soit une quête du Graal de l’alimentation parfaite et ultra saine. Non, il s’agit d’offrir suffisamment d’aliments nutritifs et caloriques pour maintenir la personne dans l’envie de vivre. Ce phénomène a été comparé au nourrisson qui ne s’alimente plus lors de séparation avec la mère. L’aîné ici doit trouver du plaisir à manger et continuer de le faire, c’est très sérieux : redonner le goût de vivre, quel qu’en soit le moyen !

 

Ma sœur et moi avons osé faire le choix d’être là pour un membre de notre famille dont certains signes laissaient entrevoir un déclin. Si nous avions fait ce que plusieurs personnes nous recommandaient, soit de continuer notre vie et de placer cette personne en foyer, elle n’en aurait pas eu pour longtemps. Il y a eu beaucoup de sacrifices (finances, horaires, fatigue, découragements, moments déstabilisants, etc.), ce n’est jamais facile et cela requiert une bonne dose d’abnégation ! Mais je pense que, moralement, en notre humble conscience et par respect pour cette personne, nous avons fait la bonne chose. Dans les faits scientifiques recensés, le rôle de l’entourage familial est primordial sur le plan affectif pour la personne qui se laisse « glisser ». Bien que ce soit difficile pour la majorité des familles, qui semblent confrontées au doute d’une possible guérison ou aux changements brusques de personnalité de la personne atteinte de ce syndrome, il faut parfois voter pour la famille, comme nous l’avons fait.

La vie nous offre à plusieurs reprises des leçons d’humilité, particulièrement lorsque nous avançons en âge. Autrefois, nous n’allions pas voir nos parents qu’à Noël ou à Pâques, non, parce qu’ils vivaient avec nous jusqu’à la fin. Bien entendu, la société a bien changé.

Si des mesures gouvernementales pour prolonger la vie à la maison de nos aînés étaient mises en place, je suis convaincue que nous serions nombreux à partager nos vies avec nos aïeux. Il en va de même pour certains employeurs, qui pourraient être aussi des facilitateurs pour ceux qui ont le courage de prendre soin de leurs proches, au lieu de les envoyer en CHSLD, par défaut de mesures adéquates et d’aide, le cas échéant.

Il est grandement temps que nous soyons plus attentifs à nos aînés, et surtout que l’on offre des moyens accessibles et diligents (financiers, aide du système de santé plus intensive et adéquate) afin que ceux qui ont bâti notre société puissent finir leur vie entourés d’amour et de bienveillance auprès de leur famille, selon leurs désirs.

Devant ce genre de syndrome, rappelons-nous que le temps peut être un allié, si nous prenons conscience du problème au bon moment, ou un ennemi, si nous ne pouvons intervenir avec diligence. Le syndrome de glissement est difficile à prévenir, car il intervient brutalement, et ses premiers signes peuvent passer inaperçus, d’où l’importance d’être présents régulièrement pour nos belles têtes blanches ! Mais, une fois que la personne âgée a commencé à renoncer, et qu’elle se laisse glisser, la prise en charge est encore plus difficile. Il est donc important d’agir en amont, dès qu’un événement déclencheur potentiel survient. Rappelons-nous que la thèse du gériatre Carrié était basée sur le taux élevé de mortalité relativement au placement des personnes âgées dans des foyers.

Alors, dans le contexte économique et social actuel, dans lequel plusieurs sont éprouvés ou à bout de souffle, pourquoi ne pas nous unir afin d’empêcher nos êtres chers de glisser en leur offrant le confort, la sécurité, la chaleur humaine et l’amour familial qu’ils méritent ? Chaque aîné qui s’en va est une encyclopédie qui meurt. Bonne année à tous !

 

 

RÉFÉRENCES : 

https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/43850/1/Meloche_Karine_2022.pdf

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001370060900044X

https://www.april.fr/complementaire-sante/guide/syndrome-glissement