Publié le 14 juillet 2023
Écrit par Sylvie Leblanc, n.d.
Que serait l’été sans l’accès à l’eau ? Il s’agit d’un des facteurs de santé les plus importants. En fonction de la chaleur et de nos activités estivales, nous devons tous nous assurer de boire suffisamment.
Il y a de multiples raisons physiologiques pour cette demande accrue de s’hydrater tous les jours, surtout dans les périodes de canicule. Bien entendu lors d’activités intenses ou sportives ou de travaux manuels à l’extérieur, mais aussi lors de périodes de récupération de notre santé tant émotionnelle qu’hormonale ou au niveau de nos centres nerveux supérieurs. Il est nécessaire de refaire le plein d’eau de qualité afin de maintenir l’équilibre de nos humeurs intérieures. C’est grâce à ces milieux aqueux que nos cellules sont nourries et détoxifiées, entre autres.
Le liquide interstitiel est composé d’eau, d’hormones, de sels minéraux, d’acides gras et aminés, de nutriments, de coenzymes et de neurotransmetteurs. C’est dans celui-ci que les cellules puisent leur nourriture et libèrent leurs déchets. Son surplus est filtré par le système lymphatique, qui est particulièrement sollicité lors de périodes de chaleur afin de maintenir la santé de toutes nos cellules.
Saviez-vous que votre cerveau comprend aussi un système lymphatique qui fait le ménage de vos liquides interstitiels cérébraux ? En effet, selon un article publié en décembre 2022 par la chercheure Rupal Mehta, médecin scientifique associée et professeure à l’Université Rush au département de pathologie et au RUSH Alzheimer’s Disease Center, ce mécanisme protègerait les tissus du cerveau, ainsi que les méninges, d’une surcharge toxique et maintiendrait le niveau de ces précieux liquides nourriciers. Alors, lors de grosses chaleurs, protégez votre tête contre les insolations et hydratez-vous afin de protéger vos neurones en conjonction avec votre système lymphatique.
Mais encore faut-il savoir de quelle eau on s’abreuve, car l’eau, à cause de sa nature, est un médium qui dissout les matières hydrosolubles, transforme et transporte bien des molécules, sans que nous en soyons toujours informés ou conscients.
Que vous ayez accès à une eau traitée par votre municipalité, un puits artésien, un puits de surface, un système de récupération d’eau de pluie ou encore de l’eau de source achetée en bouteille, toutes les formes d’eau ne sont pas de même nature.
En 2022, après l’histoire de la fonderie Horne, la population a pris un peu plus conscience des répercussions des hauts taux de plomb, d’arsenic et d’autres métaux lourds reliés aux activités polluantes de certaines entreprises sur la santé collective et sur les nappes phréatiques aux abords de ces industries. Or, il ne s’agit pas toujours de la présence d’un seul élément en forte concentration, mais parfois du cocktail de plusieurs minéraux ou substances ainsi que leur interaction, qui peuvent décupler leurs effets nocifs sur notre santé.
Un minéral qui peut sembler anodin, mais qui est présent en forte quantité dans certaines régions de notre belle province, est le manganèse. On peut en retrouver dans le sol et, bien entendu, dans les nappes phréatiques un peu partout au Québec, mais les régions suivantes affichent de plus fortes teneurs : Chaudière-Appalaches, Bas-Saint-Laurent et Haute-Gaspésie, Abitibi-Témiscamingue, Outaouais, Estrie et Lanaudière.
Le manganèse ne faisant malheureusement pas l’objet d’une norme dans le Règlement sur la qualité de l’eau potable, son action, et surtout son interaction avec d’autres minéraux en plus grande quantité, peut comporter certains risques.
Selon les résultats des tests réalisés dans le cadre du Programme de surveillance de la qualité de l’eau potable de 2010 à 2016 dans 116 installations, 25 % des eaux échantillonnées présentaient une concentration de manganèse supérieure de 20 µg/L par rapport à l’objectif de Santé Canada, et 16 % excédaient de 60 µg/L la valeur guide sanitaire (VGS) du Groupe scientifique sur l’eau (GSE) de l’INSPQ (communication personnelle, A. Bolduc, MELCC, février 2019). Il est donc possible de conclure qu’il s’agit d’une problématique relativement courante, et pourtant méconnue du grand public.
Les personnes ayant des conditions qui favorisent l’absorption du manganèse ou qui affectent son élimination pourraient être plus sujettes à des excès de manganèse par voie orale (aliments, suppléments ou eau potable), notamment :
Un nombre croissant d’études suggèrent une association entre le fonctionnement neurocomportemental et l’exposition au manganèse dans l’eau chez les enfants d’âge scolaire.
Les personnes âgées semblent plus sensibles aux effets du manganèse, étant donné la fragilité de leurs cellules neuronales et leur mécanisme d’homéostasie moins efficace.
Une exposition trop élevée au manganèse dans l’eau potable peut provoquer des effets neurologiques et comportementaux ainsi que des troubles de mémoire, d’attention et de motricité.
Un nombre croissant d’études expérimentales in vitro, in vivo, toxicogénomiques et épidémiologiques ont montré des interactions entre le manganèse et d’autres métaux. Le manganèse serait ainsi capable d’exacerber les effets neurotoxiques du plomb chez les jeunes enfants.
Une étude prospective récente a montré une interaction de la coexposition prénatale au plomb, à l’arsenic et au manganèse sur le neurodéveloppement de l’enfant âgé de 20 à 40 mois.
Il serait sage de faire analyser vos eaux de surface ou vos puits artésiens, selon le cas, et de vous doter d’un système de filtration adéquat en fonction des résultats.
Et les médicaments ?
Avec la venue de la COVID-19, de nombreuses chaires de recherches se sont tournées vers l’analyse des eaux usées et répertorient le niveau de bactéries et de charges virales qu’on y retrouve. Ne serait-il pas aussi logique et intéressant de pouvoir mesurer des résidus des médicaments associés à ces infections dans nos eaux usées ?
Parce qu’il y a, dans l’eau, même celle traitée par nos municipalités, la présence de produits pharmacologiques. Les systèmes de filtration actuels ne sont malheureusement pas en mesure de complètement éliminer les résidus d’hormones de synthèses et d’autres médicaments qui sont relâchés dans nos urines ou excréments.
Un autre élément à ne pas négliger est la présence de PFAS (les polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées). Ils font partie de ce que l’on appelle les « polluants dits éternels ». Créées par l’humain, ces substances chimiques sont entrées dans notre vie quotidienne dans les années 1950. Avec leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes aux fortes chaleurs, elles sont utilisées dans divers domaines industriels et produits de consommation courants : textiles, emballages alimentaires, mousse anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques dits hydrofuges, produits phytosanitaires… La liste est longue.
Il existe plus de 12 000 produits chimiques éternels selon l’Agence américaine de protection de l’environnement. Une équipe menée par le scientifique et professeur de chimie environnementale Sébastien Sauvé de l’Université de Montréal a analysé les contaminants perfluorés (PFAS) dans 376 municipalités et 17 régions administratives du Québec. Les échantillons d’eau du robinet provenant de la rivière des Mille Îles, au nord de Laval, différaient de la plupart des autres échantillons prélevés au Québec, car ils présentaient un taux plus élevé. Les régions de l’Abitibi-Témiscamingue, de Lanaudière et des Grands Lacs présentaient aussi une abondance inhabituellement élevée de PFAS, probablement liée à des profils industriels.
En revanche, l’est de la province (Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord, Gaspésie et Saguenay–Lac-Saint-Jean) était généralement caractérisé par de très faibles concentrations de PFAS.
Ce qui fait que ces substances et leurs effets sur la santé humaine, animale et écologique sont insidieux, c’est l’accumulation dans nos organismes, mais aussi dans les eaux. Les génies humains qui ont créé ces molécules n’ont pas pensé trouver la façon de s’en débarrasser !
Selon une nouvelle étude de l’Université de la Californie du Sud, parue dernièrement (2 mai 2022), les PFAS pourraient être responsables de la récente augmentation d’un genre d’hépatite (maladie du foie gras). Selon le Dr Lustig et Jennifer Schlezinger, « les PFAS changent la gestion des lipides par les cellules du foie ».
Selon le Centre de collaboration nationale en santé environnementale (CCSNE) de Vancouver, dans une collectivité très exposée située près d’une usine de produits chimiques, on a associé les « polluants dits éternels » (SPFO et PFOA) à la prééclampsie (hypertension due à la grossesse), à des anomalies congénitales (PFOA seulement) et à un niveau accru d’acide urique — un marqueur des maladies cardiaques. Les travailleurs y étant exposés dans le cadre de leur emploi peuvent courir un risque accru de cancer de la prostate et de la vessie.
Heureusement, il existe certaines façons de filtrer votre eau potable. Pour les PFAS, il y a trois méthodes reconnues : les résines échangeuses d’ions sélectifs, l’absorption au charbon et la séparation sur membranes (osmose inversée ou nanofiltration). Plusieurs filtres sur le marché qui se présentent sous la forme de carafes ou de systèmes de filtration des eaux peuvent inhiber, voire éliminer une bonne partie des polluants mentionnés précédemment.
Nul besoin de vous mentionner que consommer des végétaux de sources biologiques, provenant de terroirs sains, loin des industries polluantes, est aussi un gage de préservation de vos précieux liquides interstitiels.
Nous avons tous été portés pendant plus ou moins neuf mois dans un liquide (amniotique), un autre liquide interstitiel important, lors de notre conception. Nous avons besoin de préserver la qualité de notre mer intérieure, de nos liquides interstitiels, afin de maintenir l’équilibre de nos cellules et notre santé globale. Bon été à tous !
RÉFÉRENCES :
https://www.inspq.qc.ca/eau-potable/manganese
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1959068/contaminants-eternels-eau-potable-villes-quebecoise
https://neurosciencenews.com/brain-fluid-drainage-22110/
https://www.erudit.org/fr/revues/cd1/2008-v49-n3-cd2903/029656ar/