Récolte aromatique pour le goût et la santé

Publié le 17 décembre 2020
Écrit par Anny Schneider, auteure, conférencière et herboriste-thérapeute accréditée

Récolte aromatique pour le goût et la santé

« Jadis, les plantes étaient de loin mieux estimées qu’aujourd’hui.

On les employait dans les boissons diverses, les liqueurs, les eaux de toilette, les pots-pourris autant que dans la cuisine à toute occasion. Il y avait même cette coutume suave et salutaire qui consistait à répandre des fleurs aromatiques sur les planchers des maisons. »

— Dr John Parkinson, Paradisi in Sole Paradisus Terrestris, publié en 1629 !

 

C’est l’automne, période des ultimes récoltes avant le premier gel et le long hiver.

C’est donc le temps idéal pour faire ses provisions d’aromates et de remèdes, qu’ils proviennent du jardin, de chez votre producteur ou de votre magasin naturel préféré.

 

Précieux aromates culinaires et médicinaux 

Datant du début des années 800, l’Herbularius, un livre d’instruction portant sur les jardins d’herbes des moines du Moyen Âge, contenait une liste élaborée par des herboristes sous les ordres de Charlemagne, qui recommandaient chaudement la culture des herbes aromatiques. 

Celles qui sont commentées ici et près d’une centaine d’autres encore figuraient sur cette liste dans le but de préserver la bonne humeur et la santé des moines de l’abbaye et au sein de toute la communauté locale que soignaient les moines apothicaires et jardiniers.

Les aromates sont des plantes connues, cultivées et utilisées dans le monde entier non seulement pour leurs vertus médicinales, mais aussi pour leur goût agréable dans les plats traditionnels. La plupart de celles-ci se cultivent facilement au Québec.

 

Les plantes aromatiques, incontournables en cuisine comme dans la pharmacie maison

Congelées dans le double d’eau après broyage au mélangeur, simplement séchées telles quelles, mélangées à du sel, macérées dans l’alcool, l’huile ou le vinaigre, elles rehausseront vos mijotés d’hiver, vous aideront à les digérer. Elles contribueront aussi à prévenir et à soigner plusieurs maux de la saison, voire de l’année. 

Voici un résumé non exhaustif de nos plus précieuses merveilles, issues de la nature, du balcon, du parterre ou du jardin thérapeutique bien pensé. 

Ail perpétuel : Allium tuberosum. – Aussi appelé « ciboule à l’ail », « ail chinois » ou « ail japonais », ce n’est pas une vraie vivace qui resurgit continuellement, se ressemant d’elle-même. Tout y est bon : les jeunes tiges, les fleurs et/ou les mini-caïeux terminaux, bien plus petits mais plus doux que l’Allium sativum, à utiliser copieusement aussi, bien sûr, en cette période d’attaque virale potentielle et réelle. Elle est antiseptique pour la vessie, soulage l’incontinence urinaire, est également bactéricide et anticoagulante, comme bien des plantes de cette famille si bénéfique. 

Coriandre : Coriandrum sativum. – Aussi appelée « persil arabe », « persil chinois » ou « persil mexicain » (on ne s’entend pas sur son continent d’origine), cette autre apiacée très aromatique est très présente dans la cuisine exotique. Sous nos cieux, c’est une bisannuelle qui se ressème très facilement à partir des graines de l’année précédente. La coriandre en feuilles, certifiée biologique bien sûr, prise en cure intensive, par exemple mélangée à une salade, aide le corps à se dépolluer des métaux lourds. Par ailleurs, elle aide à combattre et à éviter les gaz venant des légumineuses. Ses graines mûries au soleil de fin d’été sont particulièrement riches en huiles essentielles, et on en fait des liqueurs digestives. Elle fait partie de plusieurs mélanges d’épices célèbres comme les currys, Garam Marsala, et on l’ajoute aux ragoûts, aux couscous et autres tajines. En mâcher quelques graines produit un effet relaxant, en plus de procurer une bonne haleine.

Estragon : Artemisia dracunculus sativa. – Cette variété dite française de l’estragon est la plus aromatique. Bien couverte, elle peut survivre à nos hivers, mais moins facilement que l’estragon russe (Artemisia dracuncoloides). C’est crue et fraîchement cueillie qu’elle donnera son maximum de saveur dans des plats aussi variés que les courts-bouillons, soupes et/ou mijotés de viandes, sinon les trempettes et vinaigrettes. On peut aussi l’immerger dans un vinaigre fin comme digestif, carminatif et même parasiticide, comme plusieurs plantes de sa famille (absinthe et armoise). En décoction, en infusion, en teinture mère ou en huile essentielle à la goutte, elle soigne le hoquet, les ballonnements, la digestion lente, la fatigue nerveuse et soi-disant même le manque de libido. Prise à la goutte en huile essentielle, elle soulage immédiatement les crises d’allergie.

Livèche : Levisticum officinale. – Cultivée intensivement partout en Europe, la livèche est très vigoureuse et généreuse, s’étend rapidement et aime être taillée souvent. Divisez les racines régulièrement et offrez-en à vos amis. Surtout cultivée au Nord, elle est un ingrédient essentiel dans plusieurs plats traditionnels, bouillis et autres potées. D’un point de vue médicinal, sa racine a des effets diurétiques puissants et aussi une action cholagogue qui aide à évacuer la boue biliaire trop épaisse. Elle aide aussi à la digestion des protéines animales et est carminative. Grâce à sa haute concentration en huiles essentielles, elle agit aussi comme analgésique pour l’estomac, ou même pour la peau quand utilisée en cataplasme de feuilles broyées ou ramollies à la vapeur. Deux précautions majeures : l’éviter en cas de début de grossesse (ne surtout pas prendre en cure) et ne pas s’exposer au soleil après son application externe à cause de sa haute teneur en psoralènes, comme bien des apiacées, dont le persil.

Marjolaine : Origanum majorana. – Son nom botanique, d’origine grecque, signifie « joie des montagnes », là où pousse naturellement la vraie marjolaine en coques, si puissamment parfumée. Poussant en petits buissons trapus, elle aime le soleil direct et les sols calcaires, et bien paillée, elle peut survivre à nos hivers. Elle s’accorde bien avec les légumineuses, les poissons et bouillis de racines, ajoutée parcimonieusement en fin de cuisson. En tisane ou en teinture mère, c’est une plante calmante, autant pour les nerfs que les spasmes intestinaux. 

Origan : Oreganum vulgare variété hirtum. – Autre plante d’origine méditerranéenne, vivace facile à cultiver ici, elle doit être protégée avec du paillis l’hiver et il faut la diviser régulièrement. Ses feuilles séchées s’ajoutent en fin de cuisson dans les quiches, pizzas, sauces et potages maison, dont elles facilitent la digestion. Elle soulage les ballonnements, crampes intestinales et aussi la toux spasmodique. L’origan dit grec contient des acides organiques et une huile essentielle riche en carvacrol et en thymol. Il est fortement recommandé de prendre l’huile essentielle diluée dans de l’huile d’olive, pas plus de deux gouttes à la fois et sur une courte période. L’origan utilisé en cure soutenue, de préférence en tisane ou décoction de la plante fraîche, agit aussi comme digestif, tonique général et même sexuel.

Persil : Petrosilum crispum. – Notre brave persil est sans doute l’aromate vert le plus consommé au monde, et j’ajouterais même qu’il n’y pas encore assez de place pour le persil dans nos assiettes ! Cette plante bisannuelle peut arriver à couvrir plus de quatre saisons si on le rentre l’hiver en pot et qu’on le taille régulièrement. Facile à trouver, même certifié bio, le persil devrait être consommé copieusement : en jus vert, en taboulé, en potage, en sauce verte, etc., quasiment au moins une fois par jour. Riche en vitamines A, B, C et en presque tous les minéraux de base, le persil combat l’anémie, soigne les maladies de peau en épurant le sang, tonifie les nerfs et muscles, et régularise le cycle menstruel. Toutefois, il est à proscrire en début de grossesse, car emménagogue, et aussi en cas de porphyrie ou d’allergie au soleil avec tendance aux taches pigmentaires.

Romarin : Rosmarinus officinales. – « Ros marinus » signifie « rosée de la mer », le bord de mer étant son habitat naturel. Comme l’indique son nom d’espèce, il fut longtemps utilisé en officine pharmaceutique pour ses nombreuses propriétés. C’est une plante de désintoxication aux effets diurétique et antiseptique, urinaire, cholagogue et cholérétique, car il stimule en douceur la vidange hépatobiliaire. En tisane ou en teinture mère, il a une action stimulante et vivifiante pour le système nerveux, accroît la concentration et facilite la mémorisation. On peut sans danger l’appliquer sous forme d’huile essentielle sur les tempes et la nuque. À noter qu’un bain de romarin, même de pieds, pris le matin permet un meilleur équilibre nerveux, une circulation périphérique accrue ou même un meilleur sommeil le soir venu. L’éviter en dose élevée et en cure soutenue en cas de grossesse, d’énurésie, d’hépatite ou de diarrhée.

Sarriette : Satureja hortensis (annuelle) ou Satureja montana (vivace). – La sarriette, que dans le midi on surnomme « poivre d’aï » ou « savourée », est avant tout carminative et stomachique, car elle soulage les gastrites, l’aérophagie, les ballonnements et les spasmes intestinaux. En allemand, on l’appelle « Bohnenkraut », c’est-à-dire l’« herbe à beans », et elle accompagne effectivement bien tous les plats de légumineuses. Un de ses autres surnoms est « herbe du satyre », car prise en dose régulière, par exemple avec de la menthe et du gingembre, elle peut avoir des effets probants sur la libido des hommes comme des femmes, car elle est avant tout une tonique surrénalienne.

Sauge : Salvia officinalis. – Petit buisson méditerranéen assez résistant au froid si bien abrité l’hiver. Pline aurait écrit : « Comment un homme qui a de la sauge dans son jardin pourrait-il mourir précocement? » C’est une plante antispasmodique efficace en cas de crampes intestinales ou menstruelles. En décoction ou en tisane froide, elle soulage les fièvres et les bouffées de chaleur de la ménopause. Elle est également astringente et désinfectante pour la bouche et la gorge (aphtes, gingivites, angine). Frotter ses feuilles broyées sur les piqûres d’abeille ou de guêpe soulage la douleur. Avec ses feuilles séchées brûlées sur un charbon végétal, on fait des fumigations bronchodilatatrices ou purificatrices de l’air et de la psyché.

Thym : Thymus vulgaris et sp. – Plutôt facile à cultiver, il existe en des dizaines de variétés. Appelée farigoule dans le midi, cette plante est employée dans le monde entier, tant en cuisine que comme digestif. Même le célèbre rince-bouche Listerine en contient une bonne quantité. En cas de grippe ou de toux tenace, le plus simple est d’en boire en tisane, à raison d’un brin ou trois grammes par tasse. Sous forme d’huile essentielle, on la prend une goutte à fois, pas plus, idéalement dans une cuillerée d’huile végétale. En raison de sa haute teneur en huile essentielle, du thymol surtout, tenir compte de plusieurs contre-indications : début de grossesse, hépatite aiguë, hypertension et hyperthyroïdie.

Cette liste non exhaustive de plantes aromatiques et médicinales à garder près de soi, cueillies dans l’année de préférence, illustre à merveille le célèbre adage hippocratique : 

« Que ton aliment soit aussi ton remède, et ton vrai remède ton aliment » !

Comme en toute chose, fiez-vous à votre instinct et à vos sens, sinon à de bons livres de recettes ou de phytothérapie, pour obtenir les meilleurs effets sans les méfaits de ces merveilleuses plantes aromatiques, culinaires ou médicinales. 

 

RÉFÉRENCES 

– 40 années de cuisine thérapeutique par Anny, votre servante gourmande et herboriste de vieille souche ;

40 plantes médicinales pour la pharmacie familiale et la table, de Diane Mackay, aux Éditions Colloïdales. Un précieux traité sur la culture de la transformation des plantes aromatiques par une herboriste jardinière de longue expérience !