Se soigner par les bourgeons des arbres du Québec

Publié le 1 mars 2021
Écrit par Anny Schneider, auteure et herboriste-thérapeute accréditée

Se soigner par les bourgeons des arbres du Québec
Expo manger santé Quebec

Nous connaissons plusieurs utilités médicinales aux feuilles, aux fleurs, aux fruits et aux écorces de nos arbres les plus communs, mais moins connu est l’usage de leurs bourgeons.

Histoire passionnante de la gemmothérapie

Cette discipline, d’abord appelée phytoembryothérapie, a été promue par un médecin belge, Pol Henry, à qui l’on doit la création de cette nouvelle thérapie, dans les années 60. Puis, elle a été reprise et popularisée par son ami le Dr Max Tétau, médecin et homéopathe français, qui l’a renommée « gemmothérapie ».

 

Gemmo vient du latin gemma, qui signifie « bourgeon » ou encore « pierre précieuse », d’où la confusion parfois avec la science des pierres. Gemmula signifie « petit bourgeon ». Cette approche logique, car vérifiable, dit que dans le bourgeon se retrouvent en concentré toutes les composantes et les vertus des feuilles, des fleurs, des arbres, des fruits et des graines. Ainsi, si on concentre leurs qualités en les déshydratant ou si on en fait une teinture mère, diluée ou non, on peut se nourrir ou se soigner avec une petite quantité. 

On peut, bien sûr, confectionner des teintures nous-mêmes avec les arbres d’ici, tout aussi efficaces et nutritifs, comme l’attestent les animaux des bois qui en sont friands, chevreuils en tête. 

La singularité de la gemmothérapie tient au fait que les bourgeons qu’elle utilise abritent des tissus embryonnaires en pleine croissance, contrairement à la phytothérapie classique, qui utilise l’une des parties de la plante adulte. Les cellules qui se trouvent dans un bourgeon sont riches en acides nucléiques et aminés, en phytohormones (auxine, gibbérelline), en vitamines, en oligo-éléments, en minéraux et en sève.

 

Après 50 ans de recul et de nombreux essais cliniques (analyses de sang suivant les prises de macérats), une importante base de données est désormais accessible, à raison de plusieurs dizaines de milliers de témoignages. Trois effets majeurs sont mis en évidence, lesquels Stéphane Boistard résume ainsi : régénération d’organes affaiblis (limite le vieillissement, atténue les affections chroniques ou aiguës), drainage d’organes engorgés (diminue les toxines, la fatigue, l’acidité), stimulation globale de la vitalité (diminue la sensibilité aux maladies et stimule les défenses immunitaires). 

Effets précisés par le Dr Jean-Michel Morel, pour qui les extraits de bourgeons constituent « un traitement qui permet de réguler le terrain, un traitement avant tout préventif […] venant en complément de la médecine classique, soit pour en augmenter l’effet, soit pour aider à prévenir une rechute. »

 

Les bourgeons d’arbres et d’arbustes locaux, bombes de vitalité

Les arbres sont les fleurons du monde végétal, symboles de force et de durabilité. Pourtant, à part l’exploitation pour leur seule matière ligneuse, abusive on peut l’affirmer, on s’intéresse encore trop peu à leurs nombreuses composantes nutritives et thérapeutiques.

Voici un petit survol non limitatif des utilités des espèces les plus présentes dans la plaine laurentienne, et pourtant, trop méconnues. 

Puisse-t-il vous amener à chercher plus loin, dans les livres, mais surtout, du fond de la forêt à vos tasses de concentrés et de tisanes, en toute saison, quelques bienfaits non quantifiables de la sylvothérapie élargie !

 

Règles de base de la transformation en macérat

Comment et quand cueillir les bourgeons des arbres ?

On récolte toujours les journées ensoleillées, après que la rosée ait séché, vers le zénith, chaque espèce au bon moment de son apparition et de son éclosion totale, évidemment dans des terrains sains exempts d’herbicides, d’engrais et de pesticides.

 

Recette du macérat gemmothérapeutique classique

  • Alcool à 40 % (p. ex., gin ou vodka) et alcool à 94 %
  • Eau distillée
  • Glycérine végétale (certains phytothérapeutes préconisent le miel local liquide ou le sirop d’érable au lieu de la glycérine bio, plus difficile à trouver)
  • Bourgeons fraîchement cueillis

Les ratios de macération varient de 1:3 à 1:6 dans certaines recettes. Ainsi, pour 20 grammes de bourgeons frais, vous ajouterez de 60 à 100 grammes de votre solvant prêt à l’emploi (eau, glycérine, alcool). Les bourgeons ne seront ni coupés ni broyés et tremperont dans le solvant pour une durée approximative de quatre semaines, ou une lune.

Le solvant sera composé à parts égales d’eau, d’alcool à 70 % et de glycérine. Pour l’obtention d’un alcool à 70 %, vous pouvez mélanger en quantités égales de l’alcool à 94 % (possibilité de cueillette expresse à l’arrière de la SAQ) et de l’alcool à 40 % ; vous obtiendrez alors un alcool à 68 % sans un trop grand casse-tête mathématique !

Verser le tout dans un bocal de verre étiqueté et fermé, mais pas scellé hermétiquement, et laisser macérer un mois. Filtrer soigneusement, couler dans du verre foncé, bien boucher, étiqueter et utiliser idéalement dans l’année courante, mais reste efficace durant trois ans.

Prendre une goutte par année d’âge, jusqu’à 10 gouttes au maximum, l’estomac vide, et diluée dans un verre d’eau chaude ou une tisane chez les enfants, pour dissiper l’alcool.

 

Liste alphabétique des bourgeons de feuillus les plus accessibles

Aubépine (Crataegus spp.) : on en trouve autour de 30 variétés juste au Québec. Ses bourgeons, comme ses fleurs, calment les nerfs ainsi que le cœur et ses palpitations trop rapides. Ses feuilles soulagent les chaleurs, et ses fruits rouges (non piqués) sont antioxydants et très nutritifs.

Aulne (Alnus rugosa ou glutinosa) : arbuste de milieu humide aux racines fixatrices d’azote, qui empêchent l’érosion et fertilisent les berges. Ses bourgeons stimulent l’hypophyse, donc sont utiles en cas de grande fatigue, de retard de croissance et, plus tard, de frigidité ou de stérilité. 

Bouleau jaune (Betula alleghaniensis) : l’arbre emblématique du Québec, que l’on appelle aussi merisier, était utilisé comme anti-inflammatoire par les Autochtones d’Amérique. Ils en employaient l’écorce préparée en décoction ou en compresse. Il est actuellement étudié à l’Université Laval pour ses vertus antitumorales. Sa sève contient des composés anti-inflammatoires riches en salicylate de méthyle, d’où son goût de thé des bois.

Cassis ou groseillier noir (Ribes nigrum) : arbuste de la famille des grossulariacées plutôt touffu et orné de baies brillantes qui ne demandent qu’à être dégustées. En cultiver est un excellent choix, car tout y est utile et agréable. Les bienfaits du macérat sont multiples : puissant anti-inflammatoire semblable à la cortisone, draineur universel, tonifiant, etc. Le macérat de bourgeons de cassis est adapté aux situations d’allergies chroniques, d’inflammations diverses et de fatigue générale. 

Cerisier tardif (Prunus serotina) : plusieurs parties de cet arbre sont bénéfiques, et les bourgeons regroupent tous ces effets. Son bois rougeâtre et précieux est utilisé en menuiserie, mais aussi en herboristerie, comme dépuratif. L’écorce et le pétiole sont anti-inflammatoires et diurétiques, à préparer en tisane ou en sirop ou teinture mère. Ses fruits crus sont antioxydants et nutritifs. 

Chêne rouge (Quercus rubra) : ne dit-on pas « fort comme un chêne » ? L’ensemble de l’arbre a un puissant effet tonique immunitaire et nerveux, astringent et cicatrisant : bourgeons, feuilles ou écorces, tout du chêne est bénéfique quand c’est cueilli en son meilleur temps. Les feuilles sont riches en mucilages et en flavonoïdes, dont la quercétine, et l’écorce est concentrée en tanins et en minéraux, excellente comme astringent de la peau et des muqueuses. Le chêne rouge est recommandé pour soutenir l’organisme tant au niveau physique que psychique, que ce soit pour lutter contre les grosses fatigues ou stimuler le tonus sexuel.

Cornouiller (Cornus alternifolia ou sanguinea) : l’écorce grenat de cet arbuste, qu’on appelle aussi la « hart rouge », servait à tresser des paniers et à débarrasser les chiens de leurs parasites. Il a été utilisé avec succès par les Innus contre la grippe espagnole au début du 20e siècle. Il faisait également partie du mélange de tabac sacré, ou kinnikinnick, d’où son autre nom de bois de calumet. Ses bourgeons ont des effets antifongiques, et sont des toniques amers et dépuratifs du sang et de la peau.

Érable à sucre (Acer saccharum) : on peut manger directement les bourgeons de l’érable ou les préparer en macérat, comme, plus tard, les fleurs et les jeunes feuilles, préparées en salade, en soupe ou en sauté. Effet prébiotique, légèrement laxatif, mais aussi dépuratif et tonique général. 

Framboisier commun (Rubus idaeus) : en gemmothérapie, le framboisier fournit un des principaux bourgeons indiqués pour la femme et, plus particulièrement, son système hormonal. Il est notamment un régulateur et un stimulant hormonal intelligent grâce à ses propriétés similaires à celles de l’œstrogène et de la progestérone, capable de s’adapter aux carences de la patiente. Il est antisénescent et agit aussi sur les menstruations en les rendant plus régulières et moins douloureuses. Lors de la ménopause, ce bourgeon permettra de limiter les bouffées de chaleur. Il pourra aussi freiner la pilosité excessive se manifestant durant cette période. On peut le cueillir dès l’hiver et au début du printemps.

Hêtre (Fagus grandifolia) : ce bel hêtre altier à la robe grise donne des feuilles nutritives riches en fibres et en vitamines. Ses faînes de fin d’été contiennent des graines délicieuses que les ours et les humains avisés adorent déguster. Ses bourgeons sont recommandés, idéaux pour stimuler l’immunité, particulièrement en cas de système immunitaire affaibli. C’est également un bon antihistaminique, utile en cas d’allergie et un important draineur au niveau des reins. 

Noisetier (Corylus cornuta) : la branche taillée de cet arbuste, qu’on appelle aussi coudrier, servait à trouver de l’eau et des métaux précieux. Son écorce bouillie combat la fièvre, et ses feuilles soignent les hémorroïdes. Le noisetier peut atteindre six mètres de haut. Il fait partie de la famille des bétulacées. Le macérat des bourgeons soutient les grandes fonctions de l’organisme, en particulier sur les plans pulmonaire et circulatoire.

Noyer cendré (Juglans cinerea) : le noyer cendré pousse isolé, en pleine lumière. Son écorce, ou brou, était utilisée par les Amérindiens contre les rhumatismes, et ses feuilles contre les champignons, comme ceux du noyer noir, d’ailleurs. Sa noix délicieuse est comestible, les Autochtones et les anciens en tiraient une huile précieuse. Aussi, il empêche la croissance d’autres plantes aux alentours à cause de ses feuilles qui contiennent de la juglone. Antifongique, émollient et prébiotique, le macérat de bourgeons est un grand régénérateur du système digestif ! Il restaure la flore intestinale et a une grande action sur le pancréas et la rate, notamment.

Orme (Ulmus americana) : l’écorce interne, ou aubier, en décoction ou en poudre est reconnue pour soigner les blessures, les ulcères, les intestins et les poumons irrités. Un sureau planté à temps à ses côtés peut le sauver. On emploie le macérat de bourgeons pour la peau comme un draineur doux de l’organisme. Sur la peau, qui est sa cible privilégiée, il va agir en cas d’acné, d’herpès, d’eczéma ou d’autres dermatoses. Il est indiqué pour tout type de syndromes cutanés d’origine allergique ou inflammatoire. 

Peuplier baumier (Populus balsamifera) : perçu comme un importun près des maisons, à cause de ses chatons collants, c’est un arbre pionnier familier des lieux humides. Ses bourgeons, les premiers à jaillir tôt au printemps, sont un puissant antibiotique. Ils sont aussi la première source de propolis des abeilles et leur premier remède et prophylactique, au bénéfice de toute la ruche, et du nôtre aussi !

Pommier (Malus ssp.) : les pommes sont cicatrisantes, nutritives, laxatives, hypocholestérolémiantes et rafraîchissantes. Leurs bourgeons prélevés sur des arbres sans traitement chimique concentrent plusieurs de ces qualités.

Rosier (Rosa rugosa, canina ou eglanteria) : les bourgeons du rosier, comme tout l’arbuste, les fleurs et les fruits en tête, sont émollients, euphorisants, astringents, et régénèrent les muqueuses et la peau.

Saule (Salix spp.) : c’est aux saules que le chercheur italien Piria doit la découverte de l’acide salicylique. Bayer l’a commercialisée, et c’est toujours le médicament le plus vendu. La décoction ou la macération des bourgeons du saule s’utilise contre les fièvres et les douleurs inflammatoires musculosquelettiques.

Sureau noir (Sambucus canadensis) : celui qu’on appelle aussi « sirop blanc » est très répandu ici, au plus grand bonheur des oiseaux. Comme ses feuilles et ses fruits, plus tard, ses bourgeons drainent la lymphe engorgée et soignent la fièvre et les reins saturés de cristaux, sans oublier leurs vertus antivirales très étudiées et confirmées.

Tilleuls sp. (Tilia americana ou cordata) : ses feuilles sont anti-inflammatoires, ses fleurs et ses bractées épanouies au solstice d’été sont calmantes, diurétiques et fébrifuges. C’est un arbre fort, puissant, protecteur, qui apporte un soutien bienvenu aux nerveux et anxieux. Le macérat de bourgeons de tilleul sera très adapté aux situations de fièvre, de stress, de troubles du sommeil et d’anxiété chronique.

Vinaigrier (Rhus typhina) : notre bel arbre tropical donne des panicules pourpres, denses et poilues qui font de bons sirops pour la gorge irritée. La macération de ses bourgeons a des effets antiseptiques et calmants.

Viorne alisier (Viburnum lantana ou trifolium) : le macérat de bourgeons d’alisier est un draineur des poumons, utile en cas de manifestations allergiques ou inflammatoires. C’est l’un des bourgeons de la sphère respiratoire, recommandé pour l’asthme, les bronchites, les dyspnées, la rhinite ou encore les allergies respiratoires. Celui du pimbina (Viburnum trifolium) est surtout un puissant antispasmodique et un anti-inflammatoire.

 

RÉFÉRENCES

Andrianne Philippe. La gemmothérapie, Médecine des bourgeons, Collection Douce Alternative, Éditions Amyris, Belgique, 2002.

Boistard Stéphane Gemmothérapie : les bourgeons au service de la santé, guide pratique et familial 2017 Éditions du Terran

Escriva Christian, Précis de phytothérapie, Extrait de Gemmothérapie et Teintures-mères, Éditions Promonature, 189 pages, 2008.

Pineau Laurine Le grand livre de la gemmothérapie 398 pages Editions  Leduc 2019, 398 pages

Tétau Max Nouvelles Cliniques de Gemmothérapie, 1987,186 pages Éditions Similia