S’habituer au changement en usant de stratégie !

Publié le 7 mai 2022
Écrit par Héléna Bureau, pharmacienne, M. Sc. adm. santé

S’habituer au changement en usant de stratégie !

Les données sont saisissantes : une personne sédentaire a un risque 112 % plus élevé d’être atteinte de diabète qu’une personne non sédentaire, 147 % plus élevé de mourir d’une maladie cardiaque et 49 % plus élevé d’avoir un cancer[1] ; une alimentation végétalienne diminuerait les risques d’être atteint de diabète de 62 % et les risques de cancer de 16 à 19 %[2] ; dormir cinq heures ou moins par nuit augmente de 60 % le risque d’hypertension[3].

Devant ces constats spectaculaires, deux réactions sont possibles. D’un côté, on peut se sentir inspiré devant cette nouvelle santé possible, et de l’autre côté, on peut se sentir apeuré devant la montagne que représente la mise en place de tels changements dans notre propre vie.

Lorsque la peur nous habite, en lien avec nos dernières tentatives de changement, nos souvenirs entrent alors en scène : notre abonnement au gym que nous aurions aimé honorer, la marche que nous avons délaissée, le livre sur la méditation qui est toujours sur notre table de chevet… Notre incapacité à tenir nos engagements peut revenir à la surface et freiner notre élan vers cette meilleure santé.

Malheureusement, la pilule magique du changement n’existe pas. En plus de représenter un grand défi pour plusieurs, le changement cogne de plus en plus à nos portes. Notons les bouleversements de plusieurs habitudes en cette période pandémique, les études qui soutiennent de plus en plus la nécessité d’intervenir par rapport aux habitudes de vie, sans oublier notre corps qui avance en âge et qui demande qu’on s’y attarde davantage.

Le temps est venu de s’habituer au changement, de le faire sien, d’en faire son « modus vivendi ». D’ailleurs, un intérêt de plus en plus marqué à percer le mystère du changement se fait sentir chez les chercheurs afin de mieux comprendre le changement et d’en faciliter l’accès. C’est un vent d’espoir qui se lève. Faciliter le passage de l’intention à l’action, voilà une façon saine et efficace d’améliorer sa santé.

Voici donc brièvement comment aborder le changement et ses caractéristiques qui, lorsqu’elles sont connues, peuvent influencer favorablement votre élan vers du mieux, vers du meilleur.

 

Connaître sa cible

Avant de se lancer dans le changement, mieux connaître la cible est un atout. Alors, qu’est-ce qu’une habitude ? L’habitude a un objectif noble : répondre à un besoin avec le plus petit investissement d’énergie possible. Durant notre journée, l’habitude est un économiseur d’énergie hors pair, nous permettant d’investir davantage là où ça compte vraiment pour nous. Nous demander si nous devons commencer à nous brosser les dents à gauche ou à droite dans notre bouche ou si nous allons lacer notre soulier gauche avant le droit alourdirait considérablement notre quotidien.

Il est donc préférable de maintenir l’automatisme, souvent inconscient, tant et aussi longtemps qu’il répond de façon adéquate à un besoin précis (aucun problème dentaire, souliers bien noués). Par contre, recevoir un diagnostic de maladie chronique (comme le diabète, l’hypertension, une maladie inflammatoire), par exemple, peut provoquer une réflexion menant à la conclusion qu’une habitude, bien emmitouflée dans notre quotidien depuis 10 à 15 ans, par exemple, nous a créé visiblement plus de tort que de bien.

Devant cette nouvelle réalité, une question peut émerger : « Et si je modifiais… ? »

Entrevoir la possibilité du mieux et du autrement, voici la première étape, l’étincelle nécessaire à un changement éventuel. Passer d’une ancienne à une nouvelle habitude nécessitera d’emblée un investissement d’énergie. Dans cette vie rapide dans laquelle nous vivons, la stratégie est donc de mise afin d’avancer efficacement vers la réussite.

 

Cette volonté, l’étincelle !

La lecture de cet article peut susciter, aussi petit soit-il, un élan vers ce désir de se lancer dans l’aventure de mettre en place une nouvelle habitude. Cet élan ne vous est probablement pas étranger. Il peut être ressenti à la suite d’une inscription au gym avec la conviction forte de retrouver la forme, ou lors de l’adhésion à une nouvelle diète pour perdre du poids, par exemple. Après deux ou trois semaines de tentatives pour maintenir en place la nouvelle habitude, trop souvent, la volonté est pointée du doigt pour avoir manqué à l’appel.

Ce mouvement s’effrite doucement, laissant place à la routine quotidienne qui reprend ses droits. Souvent caractérisée par cet élan vers l’exploration, vers le nouveau, cette volonté nous anime et nous permet de nous mettre en action, ce qui n’est pas négligeable. Par contre, elle est rarement suffisante pour instaurer un changement de façon durable. Contrairement aux croyances populaires, il faut souvent beaucoup plus que 21 jours pour intégrer un changement.

Les études révèlent qu’il faudrait davantage de 18 à 254 jours, pour une moyenne de 66 jours[4]. Le voyage dure donc beaucoup plus longtemps, et par le fait même, nécessitera plus de préparatifs pour arriver à bon port.

La volonté, qui pourrait être comparée à une poussée dans le dos, permet donc effectivement d’avancer vers l’objectif souhaité.

Cependant, une force complémentaire doit être développée ; soit celle qui nous tire vers l’avant, qui inspire. C’est à ce moment que les stratégies entrent en jeu. L’une d’elles est d’assurer un temps de réflexion durant le processus de changement, afin de clarifier un élément important qui inspire et guide la vision.

 

La vision, une destination !

En santé, une vision inspirante est beaucoup plus complexe que le simple désir de ne plus être malade. Un GPS ne saura vous donner un chemin si la destination se résume à « ne plus vouloir être ici ». Cette vision de cette nouvelle santé est un état de bien-être physique, mental et social complet qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie. Cette définition de la santé de l’OMS ne repose donc pas que sur un résultat de glycémie, le poids indiqué sur une balance ou un taux de cholestérol.

Un simple chiffre a rarement les capacités de susciter la motivation nécessaire pour instaurer et maintenir un changement. Clarifier ce qui contribue à ce bien-être ressenti est donc une piste à explorer, tout spécialement dans la définition de sa propre meilleure santé. C’est donc dans le processus de changement, en pleine action, que cette vision se précise et, par le fait même, crée du sens à l’énergie qui doit être investie pour atteindre son objectif. Ce sens prend racine dans nos valeurs, nos croyances, nos besoins et nos désirs. Pour la clarifier, un temps d’arrêt régulier est essentiel pour s’interroger sur cette destination que nous désirons atteindre.

Voici des exemples de questions à se poser : dans deux ans, comment se définirait cette santé qui m’habite ? Qu’est-ce que je voudrais enlever, ajouter ou bonifier dans mon quotidien qui me permettrait d’améliorer mon bien-être ? Quelles sont les actions qui m’animent que je pourrais poser en étant en meilleure santé ?

User stratégiquement de cette volonté de changer, de ce moment riche en énergie, de ce bel élan vers le nouveau pour s’attarder dès le début à cette vision de la santé porteuse de sens est un pas de plus vers la réussite. Cette volonté permet de créer ce mouvement vers l’avant qui favorise le maintien de l’habitude sur le long terme.

Si embrasser stratégiquement le changement pour se mettre davantage en position de réussite est de plus en plus sous la loupe des chercheurs, les patients sont aussi de plus en plus ouverts à se lancer dans cette aventure porteuse d’une meilleure santé. Les technologies, comme les médicaments, contribuent à freiner et à gérer la maladie, offrant ainsi plus de temps au patient pour évaluer les changements possibles.

Se lancer dans cette aventure de façon réfléchie et stratégique permet d’atteindre ses objectifs plus efficacement et ainsi de jouir davantage de cette santé si précieuse et contagieuse.

 

RÉFÉRENCES : 

[1] Docteur Martin Juneau, La sédentarité et les risques pour la santé – Site Observatoire de la prévention, URL: https://observatoireprevention.org/2017/10/10/sedentarite-risques-sante/

[2] Adventist Health Studies, Shanghai Women’s Health Study, Fruits and vegetable intake and risk of type 2 diabetes: meta-analysis of prospective cohort studies, BJM Open nov 2014

[3] James E. GangwischSteven B. HeymsfieldBernadette Boden-AlbalaRuud M. BuijsFelix KreierThomas G. PickeringAndrew G. RundleGary K. Zammit and Dolores Malaspina,Short Sleep Duration as a Risk Factor for Hypertension, Hypertension, May 2006, Vol 47, Issue 5

[4] Phillippa Lally,Cornelia H. M. van Jaarsveld,Henry W. W. Potts,Jane Wardle,  How are habits formed: Modelling habit formation in the real world, European Journal of Social Psychology, octobre 2010, vol 40, issue 6.