Publié le 1 septembre 2024
Écrit par Nicolas Blanchette, D.O., B. Sc. kinésiologie
Si je vous mentionne que le coût de la vie au Canada a explosé dans la dernière décennie, ce ne sera une surprise pour personne. Malheureusement, plus l’inflation économique est élevée au cours d’une année, plus notre pouvoir d’achat comme consommateur diminue. Habituellement maîtrisée à des niveaux autour de 2 % depuis des années, l’inflation a littéralement explosé postpandémie pour atteindre un sommet de 8,1 % en juin 2022. Résultat : les prix de pratiquement tous les biens et services ont augmenté rapidement. Face à cette montée des prix pour les besoins essentiels comme se loger et se nourrir, il est tout à fait compréhensible d’avoir eu à faire certains sacrifices dans son budget. Ces sacrifices peuvent parfois tristement concerner notre bien-être.
Lorsqu’on a mal quelque part, consulter un professionnel régulièrement peut se révéler coûteux. Dans le contexte actuel, plusieurs personnes n’en ont malheureusement pas les moyens. Qui plus est, la vie est injuste : parmi la population, les gens issus de milieux socioéconomiques défavorisés sont disproportionnellement touchés par la douleur persistante. Toutefois, on ignore trop souvent que plusieurs stratégies accessibles et peu dispendieuses existent pour mieux contrôler la douleur. En effet, rappelons que la personne qui a le plus grand contrôle sur son expérience de douleur n’est pas un intervenant externe, mais bien la personne qui souffre elle-même. Dans cette chronique, je vous propose quelques solutions accessibles pour réduire la douleur et améliorer la qualité de vie qui n’auront pas un gros impact sur votre portefeuille.
L’importance d’un diagnostic
Avant toute chose, mentionnons qu’une douleur sévère, qui s’aggrave ou qui persiste dans le temps (plus de 3-6 mois) nécessite idéalement des investigations médicales. Obtenir le bon diagnostic par un médecin vous assurera la sécurité dans votre prise en charge du problème et pourra vous permettre d’économiser temps et argent. Heureusement, le système de santé public de notre province, bien que présentant de nombreux défis, nous permet généralement de consulter un médecin à peu de frais.
S’informer
Saviez-vous que la douleur peut être vécue même sans la présence de blessure? Qu’elle découle souvent d’un besoin autonome de protection contre une menace réelle ou perçue? Saviez-vous qu’elle peut être issue d’un état de sensibilisation de notre système nerveux? Qu’elle est influencée autant par des éléments biologiques que des éléments psychologiques (par exemple : nos perceptions, nos croyances, nos attentes et notre humeur) et sociaux (notre environnement)? Que nos habitudes de vie ont souvent un gros impact sur elle? Que plusieurs types d’interventions sont à votre portée pour réduire la douleur?
La connaissance, c’est le pouvoir! Mieux comprendre la douleur réduit le sentiment de menace et renforce le sentiment de contrôle de la personne qui souffre : deux ingrédients clés pour venir à bout d’une douleur persistante. Les études sont nombreuses à soutenir que s’informer sur la douleur peut avoir des effets thérapeutiques. En outre, la recherche d’information est recommandée comme intervention de première ligne pour la lombalgie (maux de dos) dans les guides de pratiques cliniques de plusieurs pays, dont le Canada et les États-Unis.
Il existe des ressources gratuites pour s’informer et ainsi nous aider à prendre le contrôle sur la douleur. Par exemple, le site retrainpain.org ou le site gerermadouleur.ca sont tous deux disponibles en français. Les informations offertes sans frais y sont très bien vulgarisées, basées sur des sources scientifiques de haute qualité et construites pour être à la portée de tous.
Bouger davantage
Si vous êtes plutôt sédentaire (moins de 20 minutes d’activité physique modérée par jour comme la marche rapide), mettre votre corps davantage en mouvement pourrait bien être la solution la plus facile et la plus efficace pour réduire vos douleurs articulaires. Ceci est appuyé par la littérature pour de nombreuses douleurs persistantes, y compris la lombalgie et l’arthrose articulaire. Les effets de l’activité physique sur la douleur sont nombreux. Les études ont montré que l’exercice physique permet à notre organisme de sécréter ses propres molécules anti-inflammatoires. C’est sans compter les endorphines, qui ont un effet analgésique et euphorisant. Pratiquée avec une certaine intensité, l’activité physique aide aussi à évacuer un surplus d’anxiété accumulé et régularise la réponse du corps au stress. De plus, elle favorise le sommeil profond réparateur. Enfin, l’activité physique peut nous mettre en contact avec d’autres gens, ce qui peut nous permettre de détourner notre attention de la douleur, de partager nos émotions ou de réduire l’isolement, toutes des variables pouvant exercer une influence positive sur la douleur. Visez un minimum de 20-30 minutes d’activité physique modérée par jour, peu importe l’activité physique en question.
Prioriser son sommeil
Saviez-vous que les troubles du sommeil présentent une forte association avec la persistance de la douleur? Si vous dormez régulièrement moins de 7 h par nuit ou si votre sommeil est de mauvaise qualité et que vous vous réveillez constamment épuisé, prioriser votre sommeil pourrait certainement vous aider à diminuer la douleur.
Il est très important d’adopter des comportements qui favorisent un meilleur sommeil : faire de l’activité physique et s’exposer à la lumière durant le jour par exemple, et éviter les écrans et les sujets émotionnellement engageants en soirée. Si vous soupçonnez de souffrir d’un trouble du sommeil, discutez-en avec votre médecin, qui pourra vous orienter vers un spécialiste dans le réseau public.
Cesser de fumer
Si vous aviez besoin d’un argument supplémentaire pour vous convaincre d’abandonner cette mauvaise habitude, sachez que fumer est associé à des prévalences de douleur plus élevées pour plusieurs affections douloureuses comme les douleurs persistantes à l’épaule ou au dos.
Mieux manger
Nous sommes ce que nous mangeons. Une consommation élevée d’aliments transformés ou d’alcool a des effets proinflammatoires sur l’organisme, ce qui nous rend plus susceptibles de développer toutes sortes de douleur et de maladies. Les aliments hautement transformés peuvent être évités en apprenant à cuisiner davantage ses propres repas à partir d’aliments frais et entiers. La préparation est l’élément-clé. Consacrez-vous du temps chaque semaine à la préparation de vos repas?
Prendre des médicaments
Plusieurs médicaments peu coûteux sont offerts sans ordonnance pour vous aider à mieux gérer la douleur. Ces médicaments ne vont pas vous « guérir », mais ils pourraient vous aider à mieux fonctionner afin de mettre en place d’autres stratégies de gestion de la douleur : activité physique, modification des habitudes de vie ou tout simplement en attendant la période d’autoguérison de votre organisme.
Certaines personnes sont réticentes à l’idée de consommer des médicaments pour les aider à gérer la douleur. Toutefois, endurer trop de douleur entraîne souvent des conséquences négatives qui vont malheureusement au-delà des risques bien contrôlés de la prise de médicaments sous supervision d’un pharmacien. Également, plutôt que de consommer une dose élevée d’un même médicament, il est souvent plus efficace pour gérer la douleur de prendre des doses plus faibles de quelques molécules différentes en même temps.
Se servir de la thermothérapie
L’application de chaleur ou de froid a fréquemment un effet bénéfique, même si relativement modéré, pour aider à réduire la douleur. En effet, des récepteurs cutanés responsables de véhiculer les sensations thermiques de la peau entrent en action lorsqu’on applique de la chaleur ou du froid. Lorsque ces récepteurs s’activent, les signaux qu’ils envoient vers le cerveau compétitionnent avec les signaux de douleur, de sorte qu’un effet analgésique se produit : on perçoit moins la douleur. La glace affecte aussi modérément la conduction nerveuse et peut agir pour réduire l’inflammation si vous constatez un aspect gonflé, chaud ou rougeâtre au site de votre douleur (comme après une entorse de la cheville par exemple).
En règle générale, on priorisera l’utilisation du froid pour une nouvelle douleur et celle du chaud pour une douleur qui a tendance à persister plusieurs jours ou davantage. Toutefois, même pour une douleur persistante, rien ne vous empêche d’essayer la glace pour constater si elle vous apporte un soulagement. On appliquera la source de chaleur ou de froid pendant environ une quinzaine de minutes.
Pour la chaleur, les bouillottes, un bain chaud ou une douche chaude ainsi que les sacs à réchauffer au four à micro-ondes peuvent être utiles. Pour le froid, les compresses en gel pouvant être placées au congélateur sont peu chères et pratiques. Elles sont souples, donc elles peuvent être appliquées facilement sur plusieurs régions du corps (un bon vieux sac de cubes de glace ou de légumes congelés peut tout aussi bien faire l’affaire).
Apprendre l’automassage
Apprendre à se masser soi-même ne coûte pratiquement rien. Comme la prise de médicament, cela peut parfois être efficace pour réduire la douleur afin de mettre en place d’autres stratégies de gestion comme la reprise de l’activité physique. Plusieurs accessoires d’automassage existent. Une simple balle de tennis placée contre votre dos et un mur peut parfois faire l’affaire! Les recherches montrent que de courtes séances de 1-3 minutes seulement suffisent parfois à produire un effet analgésique.
S’exercer à la respiration diaphragmatique
« Mon stress a tendance à se jeter dans mon cou (ou dans mon dos) ». Avez-vous déjà vécu cette situation? L’anxiété, surtout lorsqu’elle est vécue sur une période prolongée, peut nous rendre plus sensibles à la douleur, même sans la présence de lésion physique. Respirer lentement par le ventre aide à désamorcer les mécanismes qui s’enclenchent en situation de stress prolongé. Pour ce faire, allongez-vous sur le dos, placez les mains sur votre ventre et imaginez qu’il se gonfle et se dégonfle comme un ballon à chaque respiration. Commencez par faire 10-15 respirations lentes et profondes deux fois par jour en vous concentrant sur une sensation de détente apaisante.