Soulager ses douleurs articulaires grâce à l’automassage

Publié le 20 avril 2018
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Soulager ses douleurs articulaires grâce à l’automassage

Avez-vous déjà entendu parler de l’automassage ?

 

Ce concept, qui n’a pourtant rien de révolutionnaire, est revenu au goût du jour assez récemment. Depuis les dernières années, on assiste à une expansion de l’utilisation de cette méthode qui permettrait de diminuer les douleurs articulaires, d’améliorer l’amplitude de mouvement et de faciliter la récupération après l’exercice. Très souvent, des accessoires comme les rouleaux de mousse (appelés foam rollers) ou les balles sont utilisés pour assister le participant. Mais est-ce seulement une belle stratégie de marketing destinée à vendre de l’équipement ou l’automassage a-t-il réellement fait ses preuves ?

 

LE MASSAGE, L’AUTOMASSAGE ET LES POINTS GÂCHETTES

L’expérience anecdotique des massothérapeutes et autres thérapeutes manuels montrait déjà depuis longtemps l’existence des points, bien avant que les médecins Janet Travell et David Simons publient leurs recherches à ce sujet dans les années 1980 et créent la branche de la douleur myofasciale de la médecine. À la palpation du bout des doigts, les points gâchettes donnent l’impression d’un petit nodule qui se situe à l’intérieur d’une bande rigide (un « nœud » dans une « corde »). Ces fameux points gâchettes ont une activité électrique différente du reste des fibres musculaires qui est mesurable à l’électromyographe, ainsi qu’une chaleur, mesurable elle aussi, légèrement supérieure à celle des tissus mous environnants1. Les points gâchettes génèrent une forte douleur à la pression, ce qui est très caractéristique de leur présence. Ils peuvent être responsables de symptômes douloureux référés parfois très loin de la source, ou de malaises vécus lors de l’étirement du muscle. Ils peuvent être actifs (source de douleur locale à la pression ET référée) ou dormants (seulement douloureux à la pression). Heureusement, les points gâchettes peuvent être désactivés et leur douleur référée soulagée par plusieurs interventions physiques : infiltrations ou insertion d’aiguilles, par exemple. Cependant, le traitement qui demande le moins d’expérience et qui est le plus accessible pour tous demeure le massage longitudinal profond2. C’est aussi cette méthode qui est exploitée avec les différentes techniques d’automassage avec ou sans accessoires.

 

UNE UTILISATION ACCRUE CHEZ LES SPORTIFS

Popularisé par plusieurs thérapeutes manuels de renom sous le nom de « self myofascial release » (SMR), l’automassage a la cote depuis déjà quelques années auprès des équipes de sport de haut niveau. En effet, pour un athlète, subir une blessure représente ce qu’il y a de plus nuisible pour ses performances. Ainsi, que ce soit au hockey, au baseball ou au basketball, les équipes de conditionnement physique autour des sportifs incluent de plus en plus d’exercices d’automassage dans la période d’échauffement ou de retour au calme. Cependant, pourquoi s’arrêter au sport d’élite ? Les bienfaits de l’automassage pourraient bénéficier tout autant aux athlètes de haut niveau qu’aux sportifs amateurs ou aux employés de bureau.

 

LES BIENFAITS DE L’AUTOMASSAGE

Dans le domaine scientifique, le doute représente quelque chose de très sain. Il était donc naturel de s’interroger sur la réelle efficacité des exercices d’automassage et sur leur mécanisme. Les bienfaits chez les sportifs étaient-ils causés par un simple effet placebo ?

Le professeur David Behm du Département de kinésiologie de l’université Memorial de Terre-Neuve s’est attaqué à cette question et a réalisé sa propre recherche sur le sujet. Il a présenté ses résultats en 2017 au Collège européen de science du sport. Selon les travaux de son équipe, l’automassage sur rouleau de mousse présenterait plusieurs bénéfices. Il permettrait entre autres :

  • De réduire la perception de la douleur causée par les courbatures après un entraînement
  • D’atténuer la douleur d’origine myofasciale3 du membre qui est massé, ainsi que (étonnamment) celle du membre opposé. L’automassage agirait ainsi sur le système nerveux central pour modifier la perception de la douleur
  • D’améliorer l’amplitude de mouvement d’une articulation, du moins à court terme
  • De réduire la douleur perceptible lors de la palpation de zones préalablement sensibles à la pression (tender points).

 

De plus, lorsqu’il est réalisé avant une séance d’entraînement, l’automassage permettrait d’améliorer la coordination motrice (et ainsi la performance) plus efficacement que les étirements statiques de longue durée.

Des conclusions d’une revue scientifique par le physiothérapeute Scott Cheatham et son équipe en 2015 étaient parvenus à des résultats similaires. M. Cheatham, après avoir analysé les résultats de 14 études, avait pu rassembler des informations qui tendaient à montrer que l’automassage avec un rouleau de mousse avait des effets intéressants à court terme sur l’augmentation de l’amplitude de mouvement articulaire sans affecter négativement la performance lors d’un effort sportif subséquent. L’automassage, mieux que les étirements, aiderait également à diminuer la présence de courbatures après les exercices. Bien sûr, d’autres études doivent être réalisées au sujet de l’automassage. Il s’agit néanmoins de résultats préliminaires prometteurs qui tendent à valider ce qui s’observe déjà sur le terrain.

 

MODALITÉS D’AUTOMASSAGE

Behm a également recueilli de l’information intéressante sur les modalités de l’automassage. Il a ainsi pu observer que :

  • L’intensité de la pression n’est pas directement reliée à l’augmentation dans l’amplitude de mouvement articulaire. Autrement dit, il n’est pas nécessaire (ni optimal) de subir une pression intense et douloureuse pour obtenir un gain significatif dans la liberté de mouvement d’une articulation. Mieux vaut s’en tenir à une sensation de « léger mal qui fait du bien » lors des séances d’automassage (la même sensation que l’on devrait expérimenter lors d’un bon vieux massage par un professionnel qualifié) ;
  • Des durées d’automassage aussi courtes qu’une dizaine de secondes suffisaient parfois à donner des résultats positifs sur la perception de la douleur et l’amplitude de mouvement. Il semble cependant que des gains plus substantiels avaient lieu lorsque le temps d’automassage se situait entre 30 et 60 secondes pour une articulation donnée ;
  • La combinaison de petites séances d’automassage entrecoupées d’étirements statiques (maintenir une position d’étirement d’environ 30 secondes) était plus efficace pour maintenir les gains d’amplitude de mouvement que la réalisation d’exercices d’étirements uniquement.

 

OÙ SE PROCURER DES ACCESSOIRES D’AUTOMASSAGE ?

Même si les dispositifs d’automassage sont de plus en plus vendus dans les boutiques sportives et les grands magasins, certaines entreprises se spécialisent dans ce type d’équipement. C’est le cas, par exemple, de l’entreprise américaine Acumobility, qui offre une vaste gamme d’accessoire d’automassage. Néanmoins, rappelez-vous qu’il n’est pas nécessaire que votre rouleau de mousse soit le plus coûteux possible pour qu’il soit efficace.

 

RÉALISER SES PROPRES SÉANCES D’AUTOMASSAGE

Si vous avez l’intention de tirer profit de l’automassage, voici quelques suggestions dérivées des études citées plus haut.

  • Réalisez de courtes séances de quelques minutes (30 secondes à 2 minutes par région musculaire ciblée semblent adéquates).
  • Favorisez la fréquence (2 minutes une fois par jour) plutôt que la durée (10 minutes une fois par semaine).
  • Appliquez suffisamment de pression pour provoquer une légère sensation douloureuse, mais évitez d’appliquer une pression trop importante qui vous ferait, par exemple, retenir votre souffle ou serrer des dents. Visez la sensation de « mal qui fait du bien ».
  • Réalisez des étirements statiques (maintenez une position d’étirement d’environ 30 secondes) ou des exercices visant le développement de la mobilité après vos quelques minutes d’automassage.

 

RÉFÉRENCES

1. Travell et Simmons, « Myofascial pain and dysfunction: The trigger point manual », The Journal of the Canadian Chiropractic Association, vol. 28, no 3, 1984.

2. Danniesiold-Samoe, Christiansen, Andersen, 1986.

3. Causée par la présence de point gâchettes dans les muscles et le tissu conjonctif.

BEHM, David, « Foam-rolling: effect on performance and potential mechanisms », 2 juillet 2017.

CHEATHAM, Scott, et collab., International Journal of Physiotheray, nov. 2015.

TRAVELL et SIMMONS, « Myofascial pain and dysfunction: The trigger point manual », The Journal of the Canadian Chiropractic Association, vol. 28, no 3, 1984.