Publié le 17 octobre 2018
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
Si la thyroïde s’emballe ou qu’au contraire elle fonctionne au ralenti, sa production d’hormones va entraîner un état d’hyperthyroïdie (excès) ou d’hypothyroïdie (carence) qui se répercutera sur tout l’organisme. Le fonctionnement de la thyroïde est généralement évalué par un dosage sanguin de l’hormone thyréostimuline (TSH). Au Canada, les paramètres de référence de la TSH se situent entre 0,45 et 4,50 mUI/L , mais ils font l’objet d’un débat scientifique quant au taux optimal de TSH visé et à la limite supérieure à partir de laquelle on devrait se médicamenter (voir article du mois de septembre). Alors, si votre fatigue persiste et que vous éprouvez des symptômes associés à l’hypothyroïdie en dépit de tests sanguins « normaux » ou même du traitement pharmacologique à la lévothyroxine (Synthroid), plusieurs stratégies s’offrent à vous afin de supporter naturellement le bon fonctionnement de votre thyroïde.
Gestion du stress
Bien que le stress soit essentiel à notre survie, lorsqu’il se convertit en stress chronique il devient l’ennemi numéro un de la glande thyroïde. Tout d’abord, l’organisme utilise le même acide aminé appelé « tyrosine » dans la production des catécholamines (noradrénaline et adrénaline) produites durant le stress que pour fabriquer les hormones thyroïdiennes T4 et T3. Il va donc de soi que plus on produit d’adrénaline, moins on aura de matière première disponible pour notre thyroïde ! De plus, l’hormone cortisol aussi déclenchée par le stress inhibe la conversion de l’hormone thyroïdienne thyroxine (T4) en triiodothyronine (T3), sa forme active.
On doit donc adresser les facteurs qui sont à l’origine de notre stress chronique et effectuer les changements nécessaires afin de diminuer son impact sur notre santé. L’adoption d’au moins l’une des nombreuses techniques de gestion du stress, telles que la méditation pleine conscience, la cohérence cardiaque, le tai-chi ou la pratique régulière d’une activité physique, est un incontournable. On peut aussi considérer la supplémentation en plantes adaptogènes (ashwagandha, rhodiola, ginseng, etc.), en extraits surrénaliens, en vitamines du complexe B, ou encore des acides aminés, tels que la L-théanine et le GABA, tous reconnus pour leur action antistress.
Du côté alimentaire
Plusieurs points sont à considérer, que vous soyez médicamenté ou non.
Afin de favoriser le bon fonctionnement de la thyroïde, nous devons minimiser les variations du taux de sucre occasionnées par une alimentation riche en glucides et enrayer l’hypoglycémie. Les chutes de glycémie sont aussi perçues comme un stress par l’organisme et auront les mêmes conséquences au niveau de la production d’hormones de stress et sur la thyroïde que les autres formes de stress. Il convient donc de réduire le sucre et les glucides sur toutes leurs formes et d’éviter les trop longues périodes de jeûne entre les repas.
Il est primordial de consommer suffisamment de protéines. Elles permettent entre autres de stabiliser la glycémie et de normaliser la réponse à l’insuline. De plus, les protéines fournissent les précieux acides aminés, tels que la tyrosine, essentielle à la production des hormones thyroïdiennes et des catécholamines (noradrénaline, adrénaline et dopamine). Les recommandations en matière de consommation quotidienne pour une personne moyennement active sont d’environ 1 gramme de protéines par kilo de poids corporel. On doit évidemment moduler la quantité de protéines en fonction du niveau d’activité physique et des besoins individuels. La tyrosine est surtout présente dans la caséine des produits laitiers, mais son précurseur, la phénylalanine, se retrouve dans la volaille, le poisson, les dérivés du soja, les amandes, les cacahuètes, les fèves, les graines de citrouille et de sésame, etc. Des suppléments de protéines ou de tyrosine peuvent aussi être considérés.
Certains aliments sont qualifiés de « goîtrogènes », car les thiocyanates qu’ils contiennent peuvent entraver l’utilisation de l’iode par la glande thyroïde, affectant sa production d’hormones. Parmi ces derniers, notons les crucifères (cresson, chou, brocoli, navet, rutabaga, radis, feuilles de moutarde, raifort), les noix de pin, le millet, le manioc ainsi que l’arachide. Une grande consommation de ces aliments crus – comme dans les jus et les smoothies, par exemple – peut aggraver l’hypothyroïdie, alors il faut les consommer en modération ou les faire cuire afin d’inactiver les thiocyanates.
Malgré le fait qu’un nombre grandissant de personnes ont vu leur état de santé et d’énergie s’améliorer drastiquement en retirant le gluten de leur alimentation, la controverse entourant les bienfaits associés à cette pratique continue. L’une des raisons expliquant la résistance de nombreux professionnels à bannir le gluten provient du fait que même si une grande proportion des personnes affligées par l’hypothyroïdie souffrent en fait de thyroïdite d’Hashimoto, – la forme auto-immune de la maladie – les tests visant la recherche d’anticorps antithyroïdiens sont rarement exigés par les médecins conventionnels. Quant aux tests permettant le dépistage de l’intolérance au gluten ou de la sensibilité au gluten non coeliaque, ils présentent de nombreuses failles. Parmi les autres facteurs expliquant notre attachement à la moelleuse et réconfortante molécule, notons son omniprésence dans notre alimentation – et donc de notre difficulté à l’éliminer – et il ne faudrait pas sous-estimer l’importance du lobbying agroalimentaire et de sa propagande. Selon mon expérience personnelle et en tant que clinicienne, je suis d’avis que les études et les témoignages dont on dispose justifient l’élimination du gluten, ne serait-ce que de façon temporaire, afin d’évaluer si vos symptômes s’améliorent.
La santé intestinale
Parmi les méfaits associés au gluten, le plus important est la perméabilité intestinale. Une fois l’intestin poreux, des particules peuvent s’échapper du tube digestif et se retrouver dans la circulation sanguine, déclenchant des réactions immunitaires pouvant culminer jusqu’aux maladies auto-immunes, telles que la thyroïdite d’Hashimoto. Il est donc d’une importance capitale pour le bon fonctionnement de la thyroïde de favoriser la santé intestinale, incluant un microbiote en santé. Pour ce faire, on doit réduire la consommation de café et de certains médicaments (antibiotiques, corticostéroïdes, etc.) et on peut avoir recours aux aliments et aux boissons fermentés, aux suppléments, tels que les probiotiques, la glutamine, le gel d’aloès, l’orme rouge, la réglisse déglycyrrhizinée, la gomme mastic (Mastica chios), etc.
Les infections
Certains virus tels que l’herpès de type 1 et 2, l’hépatite C et Epstein-Barr, ainsi que les bactéries Helicobacter pylori et Yersinia enterocolitica sont associés à la thyroïdite auto-immune. Il s’agit de pistes à ne pas négliger, car si ces infections persistent, la santé de la thyroïde en souffrira même sous traitement par Synthroid.
Autres facteurs à considérer
Des substances telles que le chlore, le brome/bromure, le fluor et le cadmium interfèrent avec l’utilisation de l’iode par la thyroïde. Vérifiez vos sources d’exposition et faites-vous tester, le cas échéant.
Du côté des suppléments
En plus de l’importance de la tyrosine, un apport adéquat en iode est depuis longtemps reconnu comme un élément essentiel du bon fonctionnement de la glande thyroïde. Le sélénium – sous forme de sélénométhionine – et le zinc sont d’autres minéraux à considérer. Selon la pharmacopée ayurvédique, le bacopa est la plante associée à la thyroïde depuis des millénaires. Les suppléments d’algues (varech) et d’oméga-3 pourraient aussi faire partie de l’arsenal.
Conclusion
La thyroïde est une glande phare qui influence pratiquement chaque cellule et chaque système de notre organisme, mais elle subit en retour l’impact de ce qui nous affecte à tous les niveaux. Vous devez résister à la tentation héritée de Descartes et transmise à travers la méthode dite scientifique et son corollaire, la médecine conventionnelle, qui consiste à voir les organes de façon isolée plutôt que de les considérer comme faisant partie d’un tout systémique, et à réduire leur bon fonctionnement à des paramètres numériques ne prenant pas en compte différentes variables individuelles. Résistez aussi à la tentation de chercher une pilule magique, qu’elle soit d’origine pharmacologique ou naturelle.
Si vous voulez optimiser le fonctionnement de cette précieuse alliée de manière profonde et durable, vous devez nécessairement adresser les causes du déséquilibre et donc tenir compte de tous les facteurs abordés, puis effectuer les changements nécessaires. Beaucoup de moyens sont à votre portée pour retrouver la santé ou la conserver. Il ne faut pas hésiter à vous faire accompagner par un naturopathe compétent qui saura vous guider adéquatement durant le processus.
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