Publié le 1 octobre 2021
Écrit par Éric Simard, docteur en biologie et chercheur
Les études récentes sur la longévité, autant la longévité des populations centenaires que la longévité cellulaire, démontrent très clairement que les bénéfices les plus importants proviennent des effets synergiques. Cela complique les études scientifiques, mais souligne par le fait même la possibilité qu’il y ait d’autres effets synergiques insoupçonnés qui pourraient avoir une très grande importance en santé humaine. Des découvertes récentes issues de nos travaux sur la longévité cellulaire avec l’Université Concordia pointent dans cette direction.
L’approche scientifique
L’approche scientifique habituelle consiste à émettre une hypothèse visant un seul facteur et de l’isoler le plus possible afin de proposer une démarche pour vérifier cette hypothèse, par exemple : les omégas-3 ont-ils un impact significatif sur la santé cardiovasculaire ? Toutefois, il est évident que la santé humaine est influencée par une multitude de facteurs, tous en même temps, et non de façon isolée. Ainsi, certains bénéfices peuvent être difficiles à étudier en raison de la présence de facteurs confondants qui influencent positivement ou négativement les résultats de l’étude. Les analyses statistiques permettent habituellement d’en tenir compte lorsqu’ils sont cernés. Dans certains cas, ces facteurs confondants pourraient même être à l’origine du bénéfice, en permettant un effet synergique qui rend l’effet étudié significatif. C’est par exemple ce qui explique l’efficacité d’un grand nombre d’extraits de plante parmi les produits naturels. Lorsque l’élément actif principal est isolé, souvent, l’efficacité n’est plus significative parce qu’elle dépend de plusieurs mécanismes d’action. C’est le cas, entre autres, pour la valériane (Shinjyo, et autres, 2020) et pour la griffe du diable (Georgiev, et autres, 2013).
La synergie des habitudes de vie
L’étude des populations centenaires nous démontre qu’il ne suffit pas de bien manger pour vivre centenaire et que plusieurs facteurs sont importants pour une longévité en santé. Par exemple, les centenaires avec la personnalité typique des gens qui vieillissent bien (optimistes, extravertis, agréables, ayant une grande capacité à exprimer leurs émotions) conservent de meilleures capacités cognitives que les centenaires ayant une personnalité négative. Plusieurs études ont démontré aussi que la qualité des relations, de la vie sociale, peut servir à prévoir à la fois l’état de santé en vieillissant, mais aussi les capacités cognitives que les gens conserveront. Se pourrait-il, par exemple, que la personnalité positive, typique des centenaires, facilite la qualité des relations ? Je crois que c’est évident, de même que la capacité d’exprimer nos émotions.
Pour revenir à l’alimentation, la diète méditerranéenne est sans doute la plus étudiée. Elle réduit l’incidence d’un grand nombre de cancers, mais aussi la mortalité, toutes causes confondues. Toutefois, plusieurs études récentes soulignent que ce qui importe n’est pas seulement ce que l’on mange, mais aussi quand on le mange. Le jeûne intermittent et la restriction calorique auraient un impacts positif majeur sur les bénéfices de l’alimentation. Et si nous avons la bonne personnalité et la bonne alimentation ?
J’ai mentionné à plusieurs reprises dans mes livres que, ce qui assure le bon vieillissement des centenaires (une longévité en santé), ce n’est pas un, deux, ou même trois facteurs, mais la synergie produite par l’ensemble de leurs habitudes de vie.
Des hypothèses récentes
À l’intérieur même de la diète méditerranéenne, certaines composantes auraient des effets synergiques sur le fonctionnement du corps humain. Je pourrais ici vous parler de publications scientifiques récentes, mais aussi de nos découvertes avec l’Université Concordia (https://esimard.com/recherches/).
Particulièrement, l’hydroxytyrosol, le principal polyphénol d’olive, qui fut catégorisé d’agent gérosuppresseur (Menendez, et autres, 2013), protégeant du vieillissement grâce à l’AMPK et à l’autophagie (Pablos, et autres, 2019), aurait des effets synergiques avec le resvératrol. Ces effets synergiques pourraient jouer un rôle important dans la prévention ou le traitement de la dégénérescence neuronale ou musculaire (Petrella, et autres, 2021).
Un autre exemple avec l’hydroxytyrosol qui démontre la complexité d’étudier l’impact de multiples facteurs est son effet sur le métabolisme des omégas-3 (Valenzuela, et autres, 2017). Il favoriserait une plus grande présence des omégas-3 dans les tissus par une action ciblée sur la réduction de l’oxydation et les désaturases.
Des agents gérosuppresseurs issus d’extraits de plante
Et si je vous disais, maintenant, que pour la longévité cellulaire, il existe des molécules qui synergisent l’impact de tous les autres agents gérosuppresseurs ? Ces « synergiseurs » universels, eux-mêmes des agents gérosuppresseurs, pourraient avoir une très grande incidence sur la longévité cellulaire et l’espérance de vie, en santé.
Il importe ici de définir ce qu’est un agent gérosuppresseur. Au milieu des années 2000, les processus cellulaires du vieillissement primaire, ce qui pousse l’organisme à vieillir, ont été reliés à l’apport en calories après de multiples études sur la restriction calorique. Il a alors été possible de partir à la recherche de molécules qui pourraient ralentir ces processus. Certaines molécules naturelles ont des effets comparables à la restriction calorique. Elles sont très peu nombreuses. Les molécules capables de ralentir le vieillissement primaire étaient alors nommées « mimétismes de la restriction calorique ».
Nous les appelons maintenant des agents gérosuppresseurs : du grec géro, qui veut dire vieillissement, et suppresseur, pour le ralentissement du processus. Ce terme représente mieux l’objectif poursuivi. Les mimétismes de la restriction calorique ne visaient pas à réduire l’apport calorique, mais à reproduire les bénéfices par le ralentissement du vieillissement primaire.
Nos travaux de recherche avec l’Université Concordia, soutenus par le Conseil national de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) depuis 2014, en ont identifié 21 nouveaux, tous issus d’extraits de plante. Ces travaux visaient initialement à valider deux hypothèses : 1) il est possible de définir de nouveaux agents gérosuppresseurs, et 2) les agents gérosuppresseurs agissant sur des voies métaboliques complémentaires auraient des effets synergiques significatifs.
Connaître les voies métaboliques complémentaires
Notre deuxième hypothèse était basée sur le fait qu’il existe quatre principales voies métaboliques du vieillissement primaire associées à deux grands processus biologiques : la poussée de l’organisme à vieillir et les mécanismes de maintenance et de réparation. Les animaux qui vivent particulièrement longtemps, comme les chauves-souris (10 fois plus longtemps que les autres organismes de leur taille), optimisent ces deux processus biologiques, pour obtenir une meilleure longévité en santé. Ainsi, en agissant sur les deux types de mécanismes, il serait possible de réduire la poussée de l’organisme à vieillir tout en augmentant ses capacités de maintenance et de réparation.
Cette hypothèse a été validée par nos travaux et publiée dans la revue scientifique Oncotarget (Dakik, et autres, 2019). Au fil de ces travaux, nous avons aussi identifié trois agents gérosuppresseurs qui sont des synergiseurs universels. C’est-à-dire que tous les agents gérosuppresseurs que nous avons testés en combinaison avec ces molécules ont montré des effets synergiques considérables allant jusqu’à une augmentation de plus de 1 000 % de la longévité cellulaire. Nous avons déposé des brevets pour protéger cette importante découverte. Parmi ces synergiseurs universels se trouvent le resvératrol (que l’on retrouve en faible quantité dans différents aliments comme les raisins, le chocolat noir ou le vin rouge) et la spermidine (présents dans les ananas, les câpres, les noisettes, les amandes, les pistaches, les châtaignes, entre autres). Les effets du resvératrol sont possiblement dus à la modulation épigénétique et aux sirtuines, qui stimuleraient les mécanismes de maintenance et de réparation, pour favoriser la longévité (hypothèse). Pour la spermidine, cela pourrait être relié aux mécanismes d’autophagie (hypothèse).
Les autres agents gérosuppresseurs identifiés proviennent tous d’extraits de plante connus pour d’autres bénéfices santé : (PE signifie « plant extract ») PE4 (Cimicifuga racemosa), PE5 (Valeriana officinalis L.), PE6 (Passiflora incarnata L.), PE8 (Ginkgo biloba), PE 12 (Apium graveolens L.), PE21 (Salix alba), PE26 (Serenoa repens), PE39 (Hypericum perforatum), PE42 (Ilex paraguariensis), PE47 (Ocimum tenuiflorum), PE59 (Solidago virgaurea), PE64 (Citrus sinensis), PE68 (Humulus lupulus), PE69 (Vitis vinifera), PE72 (Andrographis paniculata), PE75 (Hydrastis canadensis), PE77 (Trigonella foenum-graecum), PE78 (Berberis vulgaris), PE79 (Crataegus monogyna), PE81 (Taraxacum erythrospermum) et PE83 (Ilex paraguariensis).
La synergie des approches en santé – la santé intégrative
Certains de ces agents gérosuppresseurs, comme les polyphénols d’olive, le resvératrol, et ceux découverts provenant de la graine de céleri, peuvent se retrouver en quantité importante dans notre alimentation. Outre leurs effets gérosuppresseurs, ils pourraient avoir des effets synergiques entre eux.
De la même façon, il m’apparaît évident qu’il sera possible d’optimiser la longévité humaine en synergisant les saines habitudes de vie (dont la saine alimentation) et les agents gérosuppresseurs : habitudes de vie + saine alimentation + suppléments = optimisation. Vos naturopathes sont des ressources tout indiquées pour vous accompagner sur cette voie.
Lorsque nécessaire, il sera bien sûr pertinent de considérer aussi la synergie des approches thérapeutiques afin d’optimiser les services offerts. La synergie des approches en santé devrait donner de meilleurs résultats que de toujours considérer une seule approche à la fois. Par exemple, une étude récente (Xi, et autres, 2021) a démontré de meilleurs résultats pour le traitement de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) en cumulant les approches de la médecine moderne avec la médecine traditionnelle chinoise. Il s’agit d’une confirmation de l’importance de la santé intégrative.
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