Tester les hormones féminines

Publié le 30 octobre 2023
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.

Tester les hormones féminines
Now pour juillet

L’une des situations les plus fréquentes que je rencontre dans le cadre de ma pratique clinique est celle où une femme complètement désemparée et aux prises avec un éventail de symptômes hormonaux et associés à l’humeur me confie qu’après une longue attente afin d’obtenir une consultation médicale et les résultats de tests sanguins prescrits, le médecin lui a annoncé que tout allait bien et lui a prescrit des antidépresseurs ou des anxiolytiques. Conséquemment, la phrase que j’ai entendue le plus souvent au fil de ma carrière est : « J’ai l’impression de devenir folle ! » Pourtant, toutes ces femmes ne sont pas du tout « en train de devenir folles ». Elles sont généralement en état de déséquilibre hormonal, et ce déséquilibre n’a tout simplement pas été bien évalué. Explorons donc cette importante thématique et les options qui s’offrent à nous.

 

  • Rôle et fonctions des hormones stéroïdiennes

Les hormones stéroïdiennes (estrogènes, progestérone, testostérone et corticostéroïdes) sont surtout synthétisées à partir du cholestérol dans les ovaires et les glandes surrénales. Des conversions hormonales et un catabolisme supplémentaire interviennent dans le foie, dans d’autres tissus périphériques et dans les tissus cibles.

Puisqu’elles sont des lipides et donc liposolubles, les hormones stéroïdiennes sont généralement liées à un vecteur protéique spécifique tel que la globuline liant les hormones sexuelles (sex hormone binding globulineou SHBG) afin d’assurer leur transport dans le sang[i]. Ainsi, les hormones peuvent traverser la membrane cellulaire, puis se lier à des récepteurs pour provoquer des modifications au sein de la cellule.

Les hormones stéroïdiennes sont impliquées dans plusieurs fonctions bien connues, y compris le développement des caractéristiques sexuelles, mais elles exercent également un rôle dans l’humeur, le métabolisme, l’inflammation, l’équilibre du sodium et de l’eau, les fonctions immunologiques, etc.

 

  • Comment évaluer le taux d’hormones?

Le test le plus fréquemment proposé en médecine conventionnelle pour évaluer les hormones féminines est la prise de sang, mais elle ne constitue pas la seule ni la meilleure option. Des tests dits « fonctionnels » permettent d’évaluer les hormones via la salive et l’urine. Chaque méthode comporte ses avantages et ses limites. Découvrons-les ensemble.

 

  • Le test hormonal sanguin (conventionnel)

Bien qu’il soit le plus populaire, le principal problème avec le test sanguin, c’est qu’il ne reflète pas le tableau d’ensemble, puisque comme nous l’avons vu, les hormones stéroïdes détectées dans la circulation sanguine sont liées à 95-99 % au SHBG et ne sont pas disponibles pour les tissus cibles sous cette forme. De plus, un seul type d’œstrogène (estradiol) est testé, sans tenir compte des autres formes ni de leurs métabolites. On doit aussi savoir que seule une fraction de 2,21 % (± 0,04 %) de l’estradiol se retrouve libre et biologiquement active dans le sérum sanguin[ii].

Finalement, bien que les écarts-types peuvent s’avérer utiles afin de révéler une anomalie ou une pathologie, ils sont tellement larges qu’ils ne nous permettent pas de comparer les ratios entre les hormones et donc, de bien cerner un potentiel déséquilibre hormonal. Par exemple, durant la préménopause, il est fréquent de rencontrer des femmes dont le taux d’estradiol se retrouve vers la limite supérieure de l’écart-type, alors que le taux de progestérone est au plus bas. Dans ce schéma, on est en présence d’un déséquilibre relatif en faveur des estrogènes appelé « dominance estrogénique », même si les deux hormones sont dans les limites de la normale. Puisque les hormones constituent des messagers chimiques qui opèrent à des doses infimes et qui interagissent avec nos neurotransmetteurs, la femme aux prises avec cette situation risque d’éprouver toute une panoplie de symptômes alors qu’on lui affirme que « tout est normal ». C’est pourquoi d’autres tests sont apparus et sont largement utilisés par différents professionnels de la santé, surtout à l’extérieur du Québec.

 

  • Le test salivaire

Le test salivaire constitue une méthode de collecte non invasive qu’on peut effectuer à la maison. Il permet de mesurer les œstrogènes, la progestérone, la DHEA, la testostérone et le cortisol. Son principal intérêt est qu’il mesure la quantité d’hormones disponibles pour les tissus cibles (biodisponibles). Il est donc plus utile pour évaluer les ratios d’hormones, les symptômes spécifiques d’excès ou de carence, et constitue une bonne option pour surveiller l’hormonothérapie bio-identique[iii].

Durant le métabolisme hormonal[1], des métabolites dotés d’une certaine activité hormonale sont produits et doivent idéalement aussi être testés. Idéalement, on devrait avoir recours à un laboratoire ayant accès à la chromatographie liquide / spectrométrie de masse en tandem (LC-MS / MS) qui permet de tester un large éventail d’hormones et de métabolites hormonaux biodisponibles. Cette technologie détecte avec précision des taux d’œstrogènes extrêmement bas – tels que ceux observés chez les personnes utilisant des inhibiteurs de l’aromatase – et comprend un test pour des bloqueurs hormonaux ainsi que la mélatonine.

 

  • Le test urinaire

Il existe 2 types de tests hormonaux urinaires : celui ayant recours à la collecte d’urine durant 24 heures et celui effectué sur de l’urine séchée. On utilise surtout le deuxième pour son côté pratique.

Le principal avantage du panel d’hormones urinaires est qu’il évalue à la fois les hormones mères et leurs métabolites correspondants. Cela révèle comment le corps métabolise les hormones clés (œstrogènes, progestérone, testostérone, cortisol et mélatonine). Cette information est importante, car les hormones qui ne se décomposent pas correctement dans le corps peuvent augmenter le risque de certains cancers, comme le cancer du sein.

Le test hormonal urinaire est idéal pour évaluer le taux hormonal de base et fournir des informations durant la prise d’hormones substitutives, y compris les métabolites d’œstrogènes. C’est une méthode unique pour une surveillance plus précise des hormones vaginales et de la progestérone orale[iv].

De plus, il est possible d’ajouter des tests supplémentaires à ce panel, tels que celui des glandes surrénales et le test des acides organiques (organic acid test ou OAT). Le test des glandes surrénales mesure le schéma diurne global du cortisol libre et le total et la distribution des métabolites du cortisol, alors que celui des acides organiques procure un aperçu des carences nutritionnelles, du stress oxydatif, de la dysbiose intestinale, de la mélatonine, de la neuroinflammation et plus encore[v].

 

Conclusion

L’ancien paradigme en santé hormonale qui se concentre sur l’évaluation d’un seul type d’œstrogènes via un test qui ne détecte que les hormones non biodisponibles de surcroît et qui tente de rétablir l’équilibre hormonal à l’aide d’hormones à dosage unique est heureusement en voie de transformation. L’individualité biochimique de chaque femme, son terrain, son métabolisme, son taux de stress et ses carences nutritionnelles sont autant de facteurs à considérer afin de restaurer une santé hormonale optimale. Qu’on soit aux prises avec les tristement fameuses bouffées de chaleur, les sautes d’humeur, l’insomnie, divers troubles gynécologiques tels que les fibromes, une profonde fatigue, la prise de poids, la perte de cheveux et bien d’autres, on doit bien évaluer la situation hormonale dans son ensemble et de la manière la plus appropriée.

Nous ne devrions jamais baisser les bras et accepter que ces symptômes fassent partie de ce qui est souvent considéré comme la ménopause ou partie intégrante du processus normal de vieillissement. Prenez le temps et la peine de constituer une équipe de professionnels de la santé qui vous accompagneront sur la voie de la santé globale et vous aideront à retrouver votre énergie et votre qualité de vie.

 

RÉFÉRENCES :

[1] Métabolisme hormonal : processus de neutralisation et d’excrétion des hormones.

[i] Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine – version 2023. https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=globuline%20liant%20les%20hormones%20sexuelles

[ii] Wu CH, Motohashi T, Abdel-Rahman HA, Flickinger GL, Mikhail G (August 1976). «Free and protein-bound plasma estradiol-17 beta during the menstrual cycle». The Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism. 43 (2): 436–45. doi:10.1210/jcem-43-2-436. PMID 950372

[iii] Laboratoire ZRT. https://www.zrtlab.com/sample-types/saliva/

[iv] Laboratoire ZRT. https://www.zrtlab.com/test-specialties/urine-hormones/

[v] Laboratoire Precision Analytical. https://dutchtest.com/info-dutch-complete/