Publié le 16 décembre 2020
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie
Dans la première partie de cet article, parue dans l’édition du mois dernier, nous avons discuté de la fasciite plantaire. Cette blessure répandue affecte les gens par des douleurs au talon, généralement plus présente en début de journée, mais pouvant souvent persister pendant plusieurs mois. Voici maintenant le temps d’aborder les différentes solutions qui s’offrent à la personne aux prises avec ce désordre musculosquelettique commun.
En faisant une recherche rapide sur Internet incluant les mots-clés « fasciite plantaire » et « traitement », nous pouvons prendre la mesure de toute la variété de méthodes qui existent pour soulager les inconforts liés à la fasciite. Parmi celles-ci, on retrouve les étirements, le massage, les orthèses, les injections, les thérapies au laser, le taping et bien d’autres choses encore. Mais que connaît-on réellement sur l’efficacité de toutes ces méthodes ? Parmi les approches offertes, lesquelles disposent du meilleur bagage scientifique pour prouver leurs résultats ? Quelles approches présentent les meilleurs taux de succès et les plus faibles risques ? Examinons chacune d’entre elles plus attentivement.
Injections de corticostéroïdes
Les injections de corticostéroïdes, de puissantes molécules anti-inflammatoires, sont utilisées en médecine pour soulager les gens atteints de fasciite plantaire depuis les années 1950. Elles sont peu dispendieuses, relativement simples à administrer et procurent parfois un soulagement rapide. En revanche, certains effets secondaires sont connus, tels que l’atrophie du tissu graisseux protecteur qui recouvre le talon, ainsi que la rupture du fascia plantaire, une problématique nécessitant un temps de guérison de plusieurs mois. Deux études récentes ont montré que l’incidence de rupture du fascia plantaire se produisait entre 2,5 et 6,7 % des cas (Kim et coll., 2010 ; Acevedo et coll., 1998). La rupture semble plus probable si le sujet présente un surpoids et reçoit plus d’une injection (2,6, en moyenne).
Après l’injection, le soulagement de la douleur à court terme, en général pour une période de 1 à 3 mois, est rapporté (Buchanan et coll., 2019 ; Ball et coll., 2013). Il semble que l’injection de cortisone puisse avoir sa place dans une stratégie à court terme, avec peu de différence entre le type de corticostéroïde utilisé. Cependant, deux revues systématiques de la littérature ont échoué à démontrer des bénéfices cliniques de l’utilisation d’infiltration de cortisone pour soulager à long terme les patients souffrant de fasciite plantaire persistante (Karl et coll., 2008 ; Kumar et coll., 2011). Cela tombe sous le sens, car l’inflammation est souvent une composante moins importante pour de nombreuses douleurs musculosquelettiques persistantes.
Selon l’avis du podiatre américain Simon Bartold, l’injection de corticostéroïdes ne serait pas l’intervention à prioriser, puisqu’elle présente des risques pour la santé et pourrait contribuer à affaiblir la structure cartilagineuse, surtout lorsqu’utilisée à répétition (Yusuf et coll., 2008). D’autres modalités, comme nous le verrons plus loin, présentent moins de risques tout en étant susceptibles d’apporter davantage de bénéfices.
Orthèses plantaires
Une recherche intéressante a comparé 113 personnes souffrant de fasciite plantaire depuis plus de 4 semaines (Buchanan et coll., 2019). Les individus ont été répartis dans deux groupes différents. Le premier groupe s’est vu remettre une orthèse plantaire préfabriquée personnalisée pour soulager ses symptômes, tandis que le second recevait une injection de corticostéroïdes dans le fascia plantaire. On a comparé l’évolution de leur douleur auto-rapportée sur une période de 12 semaines.
Quatre semaines après le début du traitement, le groupe ayant reçu l’injection de corticostéroïdes a obtenu des résultats supérieurs quant à l’amélioration de leurs symptômes que l’autre groupe. Huit semaines après l’intervention, les niveaux de douleur auto-rapportée étaient similaires dans les deux groupes. À 12 semaines, c’est le groupe utilisant l’orthèse qui montrait le plus d’améliorations.
Il semble donc que l’utilisation d’orthèse plantaire pour les gens souffrant de fasciite puisse être bénéfique, mais que les effets mettent un peu plus de temps à se manifester que pour les injections. Quant au port d’orthèse plantaire dans le but de prévenir l’apparition de la blessure, selon le médecin, physiothérapeute et chiropraticien québécois Simon Benoit, la littérature scientifique ne dispose pas de suffisamment de preuves pour soutenir cette approche, à l’heure actuelle.
Laser
Il s’agit de l’utilisation de lumière infrarouge dans le but d’améliorer la guérison tissulaire, réduire l’inflammation et soulager les douleurs aiguës et persistantes. Certaines recherches préliminaires ont montré des effets intéressants sur les animaux (Casalechi et coll., 2013 ; De Jesus et coll., 2014). Cependant, comme c’est souvent le cas, ces résultats ne sont peut-être pas directement transférables chez les êtres humains. Actuellement, le degré de preuve pour ce type de traitement est encore insuffisant pour avancer que le laser est efficace hors de tout doute ou supérieur à une modalité déjà existante. Selon l’avis du Dr Bartold, d’autres types d’interventions moins coûteuses et plus simples existent déjà.
Thérapie par ondes de choc radiales
La thérapie extracorporelle par ondes de choc radiales est utilisée en physiothérapie pour certaines affections persistantes. Selon PCN Physio, « les ondes de choc radiales sont des percussions acoustiques de haute énergie. Elles sont transmises à travers la surface de la peau radialement (de façon sphérique) dans le tissu humain. L’organisme réagit en augmentant l’activité métabolique à la zone douloureuse, ce qui stimule et accélère le processus de guérison ».
Deux méta-analyses de la littérature récentes en provenance de Chine ont permis de mettre en lumière que cette modalité est plus efficace pour soulager la douleur liée aux fasciites plantaires de plus de six mois que l’utilisation d’un laser, d’ultrasons guidés au pulsomètre ou non ; que la neurostimulation non invasive ; ou que les ondes de choc intracorporelles pneumatiques (Foot and Ankle Surgery, 2018 ; International Archives of Orthopaedic Surgery, 2018). Il semble donc que cette modalité de traitement repose sur de bonnes preuves scientifiques quant à son efficacité pour soulager ceux qui souffrent de fasciite plantaire, surtout en phase persistante.
Étirements
Au niveau de leurs effets sur la réduction de la douleur, des étirements spécifiques du fascia plantaire ont été démontrés comme étant supérieurs aux étirements du mollet donnés traditionnellement pour les cas de fasciite plantaire (Rompe, 2010 ; DiGiovanni, 2006). Le protocole était plutôt simple : mobiliser les orteils (et surtout le gros orteil) en extension, comme si vous vouliez ramener les orteils vers votre tibia avec votre main. La position était maintenue pendant 10 secondes, pour 10 à 20 répétitions, 3 fois par jour. Les exercices étaient réalisés pendant au moins huit semaines. Au bout de cette durée, 65 % des patients ont rapporté des améliorations significatives quant à leur douleur, contrairement à 29 % du groupe comparatif qui utilisait une thérapie par ondes de choc radiales. Il faut mentionner que la population utilisée dans l’étude souffrait de douleur aiguë liée à la fasciite plantaire, et non de douleur persistante. Les étirements pourraient donc être plus efficaces dans les cas de douleur aiguë, tandis que la thérapie par ondes de choc radiales trouverait davantage sa place pour les cas persistants.
Massage et thérapie manuelle
Quelques recherches montrent des résultats intéressant vis-à-vis l’utilisation de la thérapie manuelle pour les gens souffrant de fasciite plantaire. Par exemple, cette étude de 2019 (Casper et coll.) a utilisé des mobilisations et des massages du pied une fois par semaine pendant trois mois. On a comparé les résultats avec un groupe utilisant plutôt une orthèse plantaire. Les résultats sur la réduction de la douleur étaient plus accentués chez le groupe recevant la thérapie manuelle que l’orthèse, bien que les deux groupes aient noté des améliorations.
Une recherche de 2009 montre également des résultats supérieurs chez un groupe recevant des traitements de thérapie manuelle versus celui qui reçoit des ultrasons. Les deux groupes effectuaient aussi des exercices.
En résumé, la thérapie manuelle est utilisée depuis longtemps, entraînant parfois des résultats fascinants, parfois aucun. Davantage de recherches à plus grande échelle doivent être entreprises afin de confirmer avec certitude que la thérapie manuelle est plus efficace que d’autres interventions. Également, la grande variabilité dans cette catégorie de traitement la rend très difficile à mesurer objectivement (une panoplie de types de massages et de mobilisations existent). Cependant, puisque cette méthode ne comporte virtuellement aucun risque, il peut être intéressant de l’essayer : au moyen de l’ostéopathie ou de la kinésithérapie, par exemple.
Exercices
De plus en plus, des chercheurs en physiothérapie commencent à considérer la fasciite plantaire comme une forme de tendinopathie (tendinite). Depuis longtemps, les exercices de renforcement musculaire progressifs ont montré leur efficacité pour la gestion de la douleur liée aux tendinopathies. Une recherche a donc employé un exercice de renforcement du fascia plantaire, réalisé tous les 2 jours, pour 3 séries de 12 répétitions, pendant 3 mois.
L’exercice en question consistait à monter lentement sur la pointe des pieds en ayant placé au préalable une serviette roulée sous les orteils pour maintenir ces derniers en position d’extension. L’exercice ciblait ainsi davantage le fascia plantaire.
Les patients augmentaient la charge peu à peu, en ajoutant un sac à dos contenant des livres, et variaient le nombre de répétitions et de séries utilisées au fil des semaines. Les patients ayant réalisé l’exercice ont ainsi noté une réduction de leur douleur plus rapidement que les patients utilisant les étirements uniquement. Une des clés pour bénéficier de l’effet de l’exercice sans déclencher une recrudescence des symptômes était de l’effectuer avec un rythme lent et délibéré : trois secondes pour monter, deux secondes de pause au sommet, trois secondes pour descendre (Rathleff et coll., 2014).
En conclusion
Il existe plusieurs méthodes pour aider les gens qui souffrent de douleur aux pieds ou aux talons. Avec les données que nous avons sous la main en 2020, parmi les interventions présentant un minimum de complications se trouvent l’utilisation d’étirements, la thérapie manuelle ainsi que la réalisation d’exercices progressifs. La thérapie par ondes de choc radiales et le port d’orthèse plantaire semblent quant à eux avoir trouvé leur place davantage lorsque la douleur est persistante (plus de trois mois). Si vous souffrez de fasciite plantaire, n’hésitez pas à expérimenter ces différentes modalités pour trouver la recette qui vous apportera un soulagement. Agissez, choisissez un plan et exécutez-le avec constance ! Vous pourrez ainsi surmonter ce problème.
RÉFÉRENCES
Bartold, Simon. Plantar Heel Pain: How you treat it may not be evidence based. En ligne (2020) : https://www.physio-network.com/plantar-heel-pain-how-you-treat-it-may-not-be-evidence-based/
Plusieurs autres références dans le texte