Tout savoir sur l’épicondylite du coude

Publié le 25 juin 2023
Écrit par Nicolas Blanchette, D.O., B. Sc. kinésiologie

Tout savoir sur l’épicondylite du coude
Bio Strath September

Aussi appelée « tennis elbow » ou « épicondylalgie », l’épicondylite latérale du coude est un trouble musculosquelettique fréquent de la classe des tendinopathies. Décrite pour la première fois en 1873, elle affecterait entre 1 et 3 % des adultes mondialement, indépendamment du sexe. Cette pathologie peut rapidement devenir un fardeau pour la personne qui en souffre et parfois la mener à s’absenter du travail pendant plusieurs semaines. Heureusement, c’est un trouble qui, même si incommodant, montre un pronostic de guérison favorable dans la vaste majorité des cas.

 

Développement de l’épicondylite

L’apparition de douleur persistante à la pointe latérale du coude (épicondyle) est souvent associée à un déséquilibre entre, d’une part, une sollicitation excessive de la musculature des extenseurs du poignet et des doigts et, d’autre part, une capacité de récupération restreinte de la personne qui développe le trouble (Eygendaal, 2007. Lee, 2013). En effet, les tâches ci-dessous, lorsque réalisées de manière trop prolongée ou trop fréquente, peuvent conduire à un processus d’usure du tendon dans lequel ce dernier développera une structure de cellules de collagène désorganisées accompagnée d’une augmentation du nombre de cellules vasculaires, ce qui entraînera de la douleur lors de l’utilisation de la musculature :

  • Serrer la main sur des objets (préhension);
  • Conserver le poignet ou les doigts en extension (dos de la main vers le plafond);
  • Dévier le poignet en direction du pouce (déviation radiale);
  • Visser et dévisser;
  • Fléchir le coude lorsque le dos de la main fait face au plafond.

Toutefois, trop solliciter, c’est comme pas assez ! Comme les autres tendinites, il est aussi possible de développer une épicondylalgie en raison d’autres facteurs liés aux habitudes de vie, entre autres si nous adoptons un comportement sédentaire lié à l’inflammation systémique chronique et si nous ne sollicitons pas assez régulièrement ces tendons (Sharma, 2005).

 

 Que faire ?

Le traitement de l’épicondylite présente normalement cinq objectifs :

  1. Atténuer la douleur au coude;
  2. Préserver la capacité fonctionnelle des articulations coude-poignet-main;
  3. Améliorer la force et l’endurance à la préhension;
  4. Permettre un retour au fonctionnement normal du coude;
  5. Prévenir les récurrences.

Heureusement, l’épicondylite répond la vaste majorité du temps favorablement à des modalités non chirurgicales. En effet, le recours à la chirurgie pour les épicondylalgies récalcitrantes demeure rare (Hoogvliet et coll., 2013).

 

Phase initiale de repos et de modifications des contraintes

Il est important d’identifier les facteurs irritants qui contribuent à exacerber les symptômes. Il faut chercher à atténuer les contraintes qu’elles imposent sur les tendons des muscles extenseurs de l’avant-bras. Une période de repos, souvent de l’ordre de trois à sept semaines, pourrait être nécessaire pour allouer davantage de temps de récupération à l’articulation. Le repos partiel est préférable au repos complet : ainsi, il faut continuer de demeurer actif physiquement de manière générale tout en prenant soin de réduire les activités qui demandent une forte sollicitation des muscles qui s’attachent sur l’épicondyle : serrer la main, soulever des charges lourdes avec les bras, visser et dévisser, etc.

Les tâches que l’on effectue avec le dos de la main faisant face au plafond sollicitent davantage les extenseurs de l’avant-bras. Par exemple, lors de la saisie de données au clavier, il est préférable d’avoir les coudes un peu plus haut que la hauteur de la surface sur laquelle repose le clavier, avec les poignets en appui sur un support ergonomique. Ceci permettra de réduire l’angle d’extension au poignet et de diminuer l’implication des muscles qu’on souhaite mettre au repos. La souris d’ordinateur standard pourrait également être remplacée par une souris en position « neutre ».

Si votre travail est plus manuel et implique de soulever des charges avec une flexion du coude, il sera souhaitable de le faire avec une position dans laquelle la paume de la main fait face au plafond. Ceci permet de solliciter davantage les fléchisseurs du poignet et de la main au lieu des extenseurs. Les outils qui génèrent des vibrations (perceuse, marteau-piqueur, etc.) ou avec lesquels il faut exercer beaucoup de force pour serrer avec la main imposent un stress considérable sur la musculature des avant-bras. Il faudra penser à diminuer le temps total de réalisation de ces activités et/ou à espacer davantage ces tâches pour permettre d’accroître le temps de récupération.

Afin d’aider à mieux contrôler la douleur lors de cette phase initiale, la médication peut être utile. Les analgésiques (acétaminophène) et/ou les anti-inflammatoires sont souvent efficaces pour cela, quoique certaines recherches aient soulevé des doutes récemment quant au fait que l’utilisation d’anti-inflammatoires de manière soutenue pourrait conduire à une guérison tissulaire moins complète et à une persistance de la douleur (Parisien et coll., 2022). Quant aux injections de cortisone, des recherches ont montré que, lorsqu’utilisées de manière répétée, elles contribuaient à prédisposer aux risques de déchirures tendineuses et d’atrophie musculaire. Aussi seront-elles plus rarement recommandées pour ce type de pathologie (Coombes et coll., 2013).

 

D’autres modalités pouvant potentiellement permettre d’aider à contrôler la douleur dans le stade initial incluent :

  • l’activité physique (Bisset, 2015);
  • l’utilisation de glace ou de chaleur;
  • la thérapie manuelle comme l’ostéopathie ou la kinésithérapie (Frydman, 2018);
  • le port d’un bracelet épicondylien (Kroslak, 2019);
  • l’acupuncture (Trinh, 2004);
  • la thérapie Shock-Wave (Notarnicola, 2012);
  • la thérapie par injection de sang et de plasma riche en plaquettes (Sirico, 2017).


L’importance des exercices de renforcement graduel

Une fois la première phase initiale de repos achevée, ou encore pour une épicondylite traînante qui ne répondrait plus au repos, l’exercice de renforcement graduel se révèle la modalité de choix. Des recherches ont comparé la réalisation d’exercices des extenseurs du poignet avec d’autres modalités (bracelets, ultrasons, thérapie manuelle, etc.) et ont révélé que cette méthode permet de livrer des résultats souvent supérieurs (Selvanetti, 2003 ; Soderberg, 2012 ; Tyler, 2010). Même si le mécanisme de ces améliorations est encore mal compris, réaliser des exercices de renforcement graduel est peu coûteux en temps comme en argent, ce qui en fait un outil fort intéressant pour ceux et celles qui souffrent d’épicondylite.

 

 

Pour réaliser cet exercice :

  • Placez votre avant-bras contre l’accoudoir d’une chaise ou sur un bureau, de sorte que votre main dépasse du support et que votre poignet soit libre de bouger de haut en bas.
  • En tenant une petite charge (un haltère ou une boîte de conserve, par exemple), avec le dos de votre main faisant face au plafond, laissez graduellement votre poignet tomber vers le sol tout en contrôlant la descente avec un tempo de trois à cinq secondes.
  • Une fois à la position basse, contractez les muscles de votre avant-bras et redressez votre poignet en direction du plafond. Vous pouvez réaliser cette action plus rapidement que lors de la descente.
  • Si redresser votre poignet est trop douloureux, aidez-vous avec votre autre main pour cette partie du mouvement.

Selon les recherches, il est normal de ressentir la douleur augmenter légèrement pendant ou après l’exécution de l’exercice. Cependant, celle-ci devrait être disparue le lendemain. Si c’est ce qui se produit, cela vous indique que vous utilisez la charge appropriée. Vous viendrez ainsi à bout du problème et réduirez vos risques de récidives en renforçant graduellement vos tendons et vos muscles (Ackermann, 2012).

  • Il est recommandé de réaliser 3 séries de 10 à 15 répétitions.
  • La charge utilisée doit entraîner de la fatigue et être suffisamment lourde pour ne pas vous permettre d’aller bien au-delà de 15 répétitions.
  • Entre chaque série, laissez au moins deux minutes de repos.
  • Réalisez la séquence de trois séries une fois tous les trois jours. Cela peut sembler peu, mais les tendons ont besoin d’un temps adéquat de récupération si on les sollicite avec assez d’intensité pour créer des adaptations. Certaines recherches suggèrent qu’il s’agirait d’une fréquence permettant d’optimiser la synthèse des protéines (Magnusson, 2010; Moerch, 2013).
  • Lorsque vous pouvez effectuer 3 fois 15 répétitions avec aisance, il est important d’augmenter graduellement la charge (quitte à recommencer à 10 répétitions pour les premiers entraînements avec cette nouvelle charge).

 

Progression de la guérison

La patience est souvent de mise avec les épicondylalgies. Les recherches récentes concernant ce trouble mentionnent que le temps de guérison varie beaucoup parmi la population. Une de ces recherches a permis de montrer qu’à chaque tranche de 3 mois, 50 % des gens souffrant d’épicondylalgie rapportent une résolution complète ou des améliorations marquées de leurs symptômes. C’est-à-dire, après 3 mois, 50 % des gens rapporteront aller beaucoup mieux. Trois mois plus tard, 50 % des gens qui n’ont pas eu d’améliorations la première fois rapporteront à leur tour des améliorations… et ainsi de suite. Après 1 an, 90 % des gens étaient complètement libres de tous symptômes (Ikonen et coll., 2022). Donc, oui, même si vous faites tout correctement, c’est normal si ça prend du temps ! Il ne faut surtout pas se décourager !

 

Et l’alimentation ?

En n’oubliant pas qu’une période de repos suivie d’un programme de renforcement graduel demeure la pierre d’assise du traitement de l’épicondylalgie, il peut être intéressant d’optimiser les ressources à la portée de notre organisme pour faciliter sa récupération par le biais d’une alimentation appropriée.

En premier lieu, il sera important de consommer régulièrement des aliments riches en protéines (les viandes, volailles, poissons, produits laitiers et légumineuses, par exemple). En effet, l’organisme utilisera les acides aminés contenus dans les protéines pour synthétiser les molécules dont il aura besoin pour favoriser la récupération. Les études recommandent de consommer entre un et deux grammes de protéine par kilogramme de poids corporel (Wu, 2016).

La supplémentation en collagène pour les tendinites demeure un sujet encore controversé, mais une recherche récente (Baar, 2019) a montré des résultats prometteurs. L’auteur principal soutient que, pour optimiser l’approche nutritionnelle, il est important de consommer suffisamment de collagène (15 à 25 grammes par jour), en association avec de la vitamine C (plus de 50 mg) et de le faire idéalement de 40 à 60 minutes avant la réalisation d’exercices de renforcement tels que celui décrit dans cet article.

 

RÉFÉRENCES :

Ma, Kun-Long et coll., Mangement of Lateral Epicondylitis : a narrative literature review, Pain Research and Management, 2020