Un bac brun (compost) pour tous les Québécois d’ici 2025

Publié le 17 décembre 2020
Écrit par Gabriel Parent-Leblanc, B. Sc., M. Env.

Un bac brun (compost) pour tous les Québécois d’ici 2025

Comme les derniers mois n’ont pas été de tout repos, j’ai pensé consacrer cet article à une très bonne nouvelle : le gouvernement du Québec vient de mettre en place un objectif assez ambitieux, soit d’instaurer la collecte des matières organiques dans toutes les municipalités du Québec d’ici 2025.

Cela pourrait ne pas vous sembler majeur comme annonce ou même ennuyeux, mais d’un point de vue environnemental, c’est toute une annonce ! Actuellement, moins de la moitié des villes au Québec ont une collecte des matières organiques (bac brun – compost) et d’après les plus récentes données de Recyc-Québec (2018), à peine 27 % des matières putrescibles sont recyclées (Shields, 2020).

Le Québec est assurément en retard en ce qui concerne la récolte et le recyclage de matière organique. Effectivement, ces résidus représentent environ 60 % des 5,8 millions de tonnes de matières éliminées chaque année dans la province… En ayant une meilleure gestion, cette quantité astronomique de déchets pourrait être valorisée en compost ou en biogaz (méthane), plutôt que de pourrir et d’émettre des gaz à effet de serre (GES) dans les dépotoirs.

C’est entre autres pour cela que la Stratégie de valorisation de la matière organique voit le jour : 

« Après leur enfouissement, les matières organiques se décomposent pendant des dizaines d’années et entraînent divers impacts nuisibles à l’environnement, dont l’émission de gaz à effet de serre (GES). Le détournement de l’élimination des matières organiques liées à la Stratégie permettra d’éviter annuellement l’émission d’un million de tonnes en équivalent dioxyde de carbone (Mt éq. CO2). » 

(Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques – MELCC, 2020).

Selon les dernières données disponibles (l’inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre – année 2017), les émissions du secteur des déchets étaient le cinquième plus grand émetteur en termes d’importance (5,8 % des émissions). À noter que sur les 4,55 Mt éq. CO2 émis par le secteur des déchets, la très grande majorité, soit 4,08 Mt éq. CO2 provenaient de l’élimination des matières résiduelles (MELCC, 2020).

Il est aisé de constater, à la vue de ces chiffres, que nous avons vraiment tout intérêt à valoriser nos matières organiques, plutôt qu’à les éliminer dans les dépotoirs ou les incinérateurs.

 

Du retard à rattraper

Saviez-vous qu’en 2020, nous serions déjà censés avoir atteint l’objectif d’avoir des collectes de matière organique dans toutes les villes du Québec ? Adopté par le gouvernement libéral de Jean Charest, le Plan d’action 2011-2015 de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles prévoyait effectivement le recyclage à 100 % de ces matières dès 2020. Sans plan d’action crédible, l’objectif est simplement disparu du bilan 2018 de Recyc-Québec (Shields, 2020).

C’est ainsi qu’on se retrouve avec une proportion d’à peine 57 % de la population québécoise qui a accès à une collecte de matière putrescible (donnée de 2018). À noter qu’il n’y a pas que du négatif ici, cette proportion a beaucoup augmenté avec les années : elle était d’à peine 7 % en 2009 et 45 % en 2016 (MELCC, 2020).

Ce qui est intéressant cette fois-ci, c’est que les objectifs de la Stratégie de valorisation de la matière organique sont accompagnés d’investissements importants dans divers secteurs pour ainsi créer les débouchés et services nécessaires pour l’atteinte des objectifs. Ainsi, 1,2 milliard de dollars d’investissements sont prévus durant la période 2020-2030 afin d’aider les villes, les commerces et les industries dans une foule de projets.

 

La récupération de matière organique, pas qu’un défi pour le secteur résidentiel

Lorsqu’on pense à la collecte de matière putrescible, le bac brun devant la maison vient tout de suite en tête (pour moi, du moins). Or, un secteur un peu insoupçonné, car très peu remarqué, devra mettre la main à la pâte pour être sûr de relever le défi de la stratégie.

C’est le secteur communément appelé ICI : celui des industries, des commerces et des institutions. 

La stratégie souhaite également établir la collecte des matières organiques dans tous les ICI d’ici 2025. C’est de loin l’objectif le plus ambitieux, car ce secteur a une performance absolument pitoyable jusqu’à maintenant. Effectivement, toujours selon le dernier bilan de Recyc-Québec de 2018, la proportion de matière organique recyclée par les ICI était d’à peine… 5 %. C’est donc dire que sur le million de tonnes de matière putrescible générée, à peine 51 000 tonnes ont été valorisées. Tout le reste, soit 968 000 tonnes de matière, a été éliminé (MELCC, 2020)…

 

En attendant votre bac brun

Si vous faites partie des malchanceux n’ayant pas encore de collecte de matière organique organisée par votre municipalité, sachez que vous pouvez faire votre propre compost à la maison ! Que ce soit à l’aide d’un composteur dans la cour ou même un vermicomposteur à l’intérieur, sachez que le processus n’est ni compliqué ni odorant.

Si le sujet vous intéresse, de nombreux tutoriels sont disponibles sur Internet, notamment un article que j’ai écrit pour le magazine Vitalité Québec en 2010 intitulé « Comment faire son propre compost à la maison », que vous pourrez retrouver sur mon blogue Écoactualité (ecoactualite.ca) ou dans la nouvelle bibliothèque numérique du magazine (vitalitequebec-magazine.com).

Bref, l’annonce récente de la Stratégie de valorisation de la matière organique par le gouvernement québécois représente une bouffée de positif dans un monde plutôt chaotique post-pandémie. Les objectifs de collecte, tant du côté municipal que pour les ICI, sont très ambitieux : instaurer la gestion de la matière organique sur 100 % du territoire municipal et dans 100 % des ICI d’ici 2025. Avec une enveloppe budgétaire de plus d’un milliard de dollars répartie sur 10 ans, force est de constater que nous nous donnons finalement les moyens pour atteindre nos objectifs, contrairement à ce que l’on a vu avec les derniers plans d’action des anciens gouvernements. Ainsi, en améliorant notre gestion, c’est une quantité impressionnante de matières organiques que nous pourrons transférer de nos dépotoirs à une revalorisation, que ce soit au champ (compost) ou autres utilisations énergétiques (gaz naturel – biométhanisation). De plus, elle évitera également de contribuer au réchauffement climatique. Assurément, il n’y a que des points positifs en voulant agir vers une meilleure valorisation des matières organiques… Étiez-vous aussi excité que moi à l’idée d’avoir un bac de compost ? Sûrement pas (rires), mais j’espère que la lecture de cet article rendra le concept un peu plus intéressant pour vous !

Vous pouvez lire certains de ses articles dans le blogue Écoactualité (ecoactualite.ca) et le joindre à info@ecoactualite.ca. 

 

RÉFÉRENCES

Shields, A. (2020). La grande séduction du bac brun. Le Devoir. [En ligne] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/581867/le-gouvernement-legault-veut-generaliser-le-compostage (page consultée le 3 août 2020).

Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (2020). Stratégie de valorisation de la matière organique. [En ligne]. http://www.environnement.gouv.qc.ca/matieres/organique/strategie-valorisation-matiere-organique.pdf (page consultée le 3 août 2020).