Publié le 21 mars 2016
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott
Nous célébrerons bientôt le 50e anniversaire d’expo 67, un événement marquant de notre histoire.
À cette occasion, les visiteurs pouvaient non seulement découvrir de nouvelles cultures, mais aussi expérimenter les saveurs exotiques de pays tels que la Birmanie (Myanmar), l’Inde, le Mexique ou l’U.R.S.S. Les années de Terre des hommes – qui ont suivi Expo 67 – ont favorisé, dans une large mesure, l’engouement pour les voyages outre-mer et la gastronomie locale.
À cette époque, plusieurs vagues d’immigration vers le Québec se sont intensifiées. La restauration demeurait, pour certains nouveaux venus, une possibilité d’intégration économique, ce qui a contribué à l’élargissement de notre palette culinaire. Il existait néanmoins un précédent, dans la mesure où les restaurants chinois ou japonais avaient déjà ouvert la porte vers l’exotisme, que ce soit le buffet à volonté ou le spectacle d’un chef émérite qui manipulait le couteau comme s’il s’agissait d’un art martial.
Peu à peu, les marchés d’aliments ont élargi leur inventaire pour répondre à une demande de plus en plus variée. À ce titre et en tête de liste, le « pois chinois », mieux connu sous le nom de « soja » et ses produits dérivés, est maintenant bien implanté sur les tablettes des supermarchés et des magasins d’aliments naturels. À cela rien de surprenant, puisque plus d’un tiers de la production mondiale de soja provient des États-Unis.
Le tofu, naturellement riche en protéines et en minéraux, est obtenu par caillage du lait de soja. Les végétariens l’apprécient particulièrement et l’utilisent comme substitut aux viandes, bien que certains recommandent de le consommer avec une protéine animale. Le miso, quant à lui, est une pâte de « pois chinois » fermenté et demeure un ingrédient essentiel à la préparation de soupes japonaises à base d’algues.
Bien que les algues fassent partie intégrante de l’alimentation nipponne depuis toujours, c’est l’engouement pour le sushi qui nous a amenés à les apprécier davantage. Divers types d’algues sont reconnus pour leurs vertus anticancer, anti-inflammatoires et antioxydantes ; une analyse scientifique a d’ailleurs révélé que leur valeur nutritionnelle s’apparente à celle des légumes verts
Confondu par plusieurs avec un légume, l’avocat est un fruit originaire du Mexique qui sert entre autres à la préparation du fameux guacamole ; tout comme les algues séchées, il fait maintenant partie des ingrédients incontournables du sushi. L’avocat combat le mauvais cholestérol, mais il faut le consommer avec modération, puisque cet aliment est riche en calories.
Autre cadeau venu d’Amérique latine, cette source de protéines très digeste qu’est le quinoa est cultivée depuis toujours en Amérique du Sud ; à ce jour, le Pérou, la Bolivie et l’Équateur sont, sans conteste, les principaux producteurs mondiaux de cette pseudo-céréale. On retrouvait déjà le quinoa dans nos supermarchés vers les années 1970 ; si cette information semble un peu surprenante, il est bon de rappeler que madame Jehanne Benoit, fleuron de la cuisine traditionnelle, avait déjà ouvert un des premiers restaurants végétariens au Canada, en 1935. Le quinoa s’est peu à peu imposé comme un substitut au régime carné, devenant de plus en plus en vogue dans les magasins sensibles au commerce équitable, à l’agriculture biologique et aux besoins des consommateurs de produits sans gluten.
Même s’il est peu calorique, le blé khorasan (communément appelé « blé Kamut ») est déconseillé aux intolérants au gluten. Un engouement pour des produits sains a favorisé la réintroduction de cette céréale rustique, dérivée du blé, mais contenant plus de protéines que ce dernier. Originaire d’Iran, on la cultive désormais en Amérique du Nord. Une autre céréale, dont l’existence a longtemps été éclipsée, l’épeautre, connue dans l’Égypte ancienne, possède des propriétés diététiques intéressantes.
Les pains, qu’ils soient faits de blé Kamutoud’épeautre, deviennent peu à peu des classiques de nos boîtes à lunch, dans lesquelles on retrouve souvent en complément le pois chiche. Les origines de cette légumineuse nous ramènent à la Méditerranée, où on le cultive encore. Il constitue un incontournable de la restauration libanaise, avec laquelle nous sommes devenus familiers, c’est-à-dire par l’houmous (purée de pois chiches) et le falafel. Les propriétés énergétiques, diurétiques et antiseptiques de cette légumineuse sont connues et on l’utilise aussi en usage externe pour soigner les plaies et éviter les infections. Outre sa présence au Moyen-Orient, le pois chiche se retrouve également dans beaucoup de plats de la cuisine du sous-continent indien.
Et qui dit Inde dit aussi épices. Si elles sont trop nombreuses pour être toutes énumérées, on en retiendra essentiellement deux. Le curcuma est un ingrédient essentiel dans la préparation du cari de Madras, qu’importaient déjà ici les Britanniques et les Loyalistes dès le XIXe siècle. Aussi essentiel dans la composition du cari, le gingembre était déjà importé depuis plusieurs siècles, puisque les Hospitalières de Québec l’utilisaient dans leur pharmacopée.
Pour contrer l’effet des recettes fortement épicées et des excès de table, des amis indiens nous recommandent de consommer du yogourt nature, qu’à une certaine époque les laitiers distribuaient encore de porte en porte à leur clientèle. Ce lait fermenté fait de bactéries lactiques vivantes demeure souvent associé à la cuisine grecque, turque et balkanique ; son apport en protéines, en calcium et en phosphore peut combler près de 25 % de nos besoins quotidiens. Il est reconnu pour aider à reconstituer la flore intestinale, et lorsqu’il contient un nombre important de bactéries (plus de un milliard), c’est un probiotique qui contribue à diminuer la durée de certains types de diarrhée, en particulier chez l’enfant. Si l’on associe parfois le kéfir au yogourt, c’est probablement parce que cette boisson fermentée, légèrement gazeuse et au faible taux d’alcool, aide aussi à la flore et au transit intestinaux.
Parfois employé dans la fabrication de yogourt, l’aloe vera, aussi nommé« aloès des Barbades», est une plante vivace que l’on recommande pour combattre les maux de tête, les ulcères et les traitements de l’épiderme. Le suc d’aloès est indiqué pour le traitement symptomatique de la constipation et peut entrer dans la préparation de boissons et de salades de fruits.
Si, à une certaine époque, les salades de fruits étaient plutôt prévisibles, les touristes hivernants, de retour des plages d’Acapulco, allaient manifester une appréciation pour de nouvelles sensations gustatives. Le goût incomparable de la papaye allait les séduire, tout comme c’était le cas des anciens Mayas, qui l’appelaient « ababai ». Non seulement ce fruit est-il savoureux, mais on connaît également ses vertus contre les troubles gastro-intestinaux. Un ami antillais nous a fait remarquer que dans sa famille, on en utilisait depuis toujours les graines et le latex comme vermifuge, ainsi que pour un usage externe contre les furoncles et les abcès.
Les produits adoptés par les Québécois ne viennent pas tous des régions tropicales et sont parfois cultivés avec succès chez nous. Par exemple, l’argousier trouve ses origines dans les zones tempérées d’Europe ; ses fruits sont riches en vitamine C et en flavonoïdes, et s’adaptent parfaitement, préparés en marmelade ou en gelée. L’églantier pousse aussi localement et ses fruits, les cynorhodons, se dégustent agréablement de la même façon que ceux de l’argousier. On notera que le cynorhodon est 20 fois plus riche en vitamine C que les agrumes et qu’il est aussi utilisé à des fins médicinales.
S’il est difficile de présenter un tableau complet de l’évolution culinaire et des ingrédients qui lui ont donné forme, il est quand même possible de formuler le constat suivant. Dans le Terre des hommes: Guide officiel de 1969, les auteurs, ayant le souci de promouvoir la restauration offerte sur le site, avaient souligné que « les cuisines européenne, asiatique, latino-américaine, proche-orientale et africaine offrent toutes une aventure nationale dans le domaine du bien-manger ».
Pourtant, certaines découvertes gastronomiques offertes sur les lieux ont été sans lendemain ; c’est notamment le cas de la crème glacée aux tomates, offerte par la société cubaine Copellia, que des entrepreneurs locaux auraient pu aisément mettre sur le marché. Ce cas d’exception nous fait réaliser tout le chemin parcouru en un demi-siècle, puisque ce qui était exotique à l’époque fait maintenant partie de nos boîtes à lunch ou de nos soupers du samedi soir.
Dans le contexte de la mondialisation, nous avons réussi à demeurer proactifs dans nos traditions culinaires, en fusionnant des ingrédients de base et des méthodes de cuisson qui correspondent davantage à notre mode de vie actuel. Ce faisant, nous n’avons jamais perdu de vue notre souci de bien nous alimenter, afin d’accroître notre mieux-être.