Un mode de vie qui lutte contre le gaspillage – (Partie 1)

Publié le 13 février 2019
Écrit par Gabriel Parent-Leblanc. B. Sc., M. Env.

Un mode de vie qui lutte contre le gaspillage – (Partie 1)
Expo manger santé Quebec

Si vous êtes un lecteur assidu du Vitalité Québec et de mes chroniques, vous avez pu constater que j’ai dernièrement abordé le sujet de la gestion de nos matières résiduelles sous plusieurs angles. Ce n’était pas un hasard : je vois ces articles comme une longue introduction à certaines des problématiques que le mode de vie zéro déchet vient solutionner!

 

Vous avez peut-être déjà entendu parler du zéro déchet, car le phénomène est de plus en plus populaire au Québec. À preuve, en novembre 2018, la 2e édition du festival zéro déchet à Montréal a attiré pas moins de 11 000 visiteurs (Festival Zéro Déchet de Montréal, 2018) !

 

Brièvement, le zéro déchet est une démarche à travers laquelle une personne transforme ses méthodes de consommation afin d’éviter le plus possible la production de déchets ultimes. Le terme « zéro » déchet pourrait faire peur à quelques-uns qui se sentiraient épeurés devant l’énorme défi de ne produire aucun déchet, mais je tiens à vous rassurer tout de suite, là n’est pas le but derrière le mouvement. Un peu comme la simplicité volontaire, il s’agit plus du chemin à parcourir vers un but et on y va tout un chacun à notre propre rythme.

 

Je vois déjà certains d’entre vous sourciller… Mais pourquoi réduirais-je la quantité de déchets que je produis? Après tout, un peu partout au Québec, des systèmes de collecte (déchets, recyclage et de plus en plus de matière organique) existent et ça marche, non?

 

En fait, c’est ce détachement qui est à la base du problème. Du point de vue d’un citoyen, vous placez vos ordures au bord du chemin, les éboueurs viennent les chercher et c’est la dernière fois que vous les voyez. Mais ce n’est pas parce que vos ordures quittent votre propriété qu’ils cessent d’exister. Peu importe la quantité de déchets que vous produisez, « ils finissent dans les décharges […] à libérer des composés toxiques dans l’air et le sol, à gaspiller les ressources utilisées pour créer ces produits dont on s’est débarrassé, et à nous coûter des sommes astronomiques chaque année pour les traiter » (Johnson, 2013). Parce qu’effectivement, on n’y pense que très rarement, mais on paye tous pour ces systèmes de collecte, qui deviendraient bien plus économiques si on faisait une meilleure gestion en amont !

 

C’est justement là que les 5 règles du mode de vie zéro déchet viennent agir : en amont du problème, en changeant notre façon d’acheter, de consommer et d’utiliser les objets. C’est ce sur quoi cette première partie de l’article portera, tandis que la 2e partie explorera des trucs et actions à intégrer dans vos vies pour faire partie du mouvement !

 

RÈGLE 1 : REFUSER

À la lecture de l’ouvrage « Zéro déchet » de Béa Johnson, j’ai vraiment été étonné de sa classification des étapes pour progresser à travers ce mode de vie. Étant moi-même un fervent adapte de la simplicité volontaire, je n’avais même jamais pris conscience du simple fait de refuser… Pourtant, la création de déchets débute fort souvent d’un simple accord un peu niais de notre part.

 

Je ne crois pas vous apprendre quoi que ce soit en vous affirmant que notre société capitaliste est basée sur la consommation de matériel. Dans une journée typique, c’est fou à quel point nous pouvons consommer et utiliser des objets d’une manière totalement inefficace, seulement parce que c’est ainsi que nous sommes habitué de le faire.

 

À titre d’exemple, ce matin, avez-vous eu le temps de préparer votre café avant de partir pour le bureau ? Non ? Êtes-vous allé en chercher un dans une chaîne de restauration rapide lors du trajet ? Probablement. Et dans quoi vous a-t-on servi votre breuvage? Un verre de carton enduit de polystyrène à l’intérieur muni d’un capuchon également en polystyrème, un plastique qui ne se recycle pratiquement nulle part au Québec.

 

Après l’avoir bu, vous l’avez jeté à la poubelle, bien entendu. Cet exemple n’est pas exprimé dans le but de vous réprimander, mais bien dans le but de vous faire réaliser votre geste, parce que celui-ci est répété constamment sans que l’on y réfléchisse : « Tim Hortons vend 2 milliards de tasses de café par année, la plus grande partie dans des gobelets jetables » (Greenpeace, s.d.). Ça fait beaucoup de déchets ça !

 

Et si on refusait de participer à ce gaspillage? En commençant par refuser tous les articles en plastique à usage unique que l’on utilise en moyenne 30 secondes avant de les jeter : bouteilles, gobelets, assiettes, pailles, etc. (Johnson, 2013). Il existe une panoplie d’items dans cette catégorie, mentionnons les cadeaux promotionnels, les imprimés publicitaires (le publisac) et les échantillons gratuits (plus de trucs à venir dans la 2e partie de l’article).

 

RÈGLE 2 : RÉDUIRE

La 2e étape du zéro déchet se retrouve en fait à être la première étape d’un processus popularisé ici par Recyc-Québec, celui du « 3RV » : la réduction à la source.

J’utilise souvent l’expression comme quoi l’objet le plus écologique, c’est celui que l’on ne produit pas… Et c’est là que réduire fait tout son sens !

Pour réduire efficacement votre consommation, une bonne astuce est d’avoir une petite voix intérieure à la Pierre-Yves McSween vous demandant : « en as-tu vraiment besoin »? Un objet fait votre convoitise, est-ce un réel besoin ou est-ce une envie passagère? Un truc que j’utilise personnellement est de me laisser du temps (minimum 24h) avant de faire l’achat de quelque chose. Si l’achat se fait en magasin, j’attends avant d’y aller (ou d’y retourner) et si l’achat est en ligne, je laisse l’item dans mon panier d’achat. C’est franchement étonnant : il m’arrive plus souvent qu’autrement d’oublier l’existence de l’objet de mes convoitises ou de simplement m’en désintéresser. Si le désir est toujours là après cette pause, c’est que j’en avais réellement besoin !

Évidemment, il existe une panoplie de trucs et d’actions pouvant vous aider à réduire que nous verrons plus en détail dans le 2e partie de cet article le mois prochain.

 

RÈGLE 3 : RÉUTILISER

Si vous connaissez quelqu’un qui applique les fondements du zéro déchet à sa vie, c’est probablement l’utilisation de cette règle que vous remarquerez. Effectivement, lorsque cette personne va faire ses courses (dans un magasin conventionnel ou spécialisé dans le zéro déchet), elle utilise assurément des contenants réutilisables pour tout ce qu’elle peut se procurer en vrac.

 

Le fait de réutiliser ses propres contenants peut éviter une quantité folle de déchets.

 

Pensez à votre dernier panier d’épicerie… Quelle proportion des aliments que vous avez achetés étaient sur-emballés dans du plastique?

On associe donc les pots massons et les beaux bocaux en verre au mouvement du zéro déchet, parce qu’utiliser ses propres contenants plutôt que des emballages qui termineront leur (courte) vie utile aux poubelles ou au recyclage, c’est tellement plus sain, écologique et meilleur pour la santé !

 

RÈGLE 4 : RECYCLER

Parlant de recyclage, il s’agit de la 4e règle. Et les prochains paragraphes ne couvriront pas le sujet d’un point de vue conventionnel, car un changement de culture est plus que nécessaire quant à ce type de collecte.

 

Effectivement, à l’image des déchets que l’on met dans nos poubelles et qui disparaissent lorsque les éboueurs passent, le recyclage est devenu une solution facile à appliquer et qui nous rassure dans notre petit monde.

« Moi, à la maison, je recycle tout, je suis vraiment écologique et je fais ma part pour l’environnement ! »

 

Le québécois moyen, tout en allant passer des vacances dans le sud deux fois par année et roulant en VUS le reste du temps.

Or, saviez-vous qu’en moyenne, chaque voyage en avion représente des émissions de gaz à effet de serre (en équivalent CO2) de 1,6 tonne et que d’utiliser une voiture plus économe en carburant permettrait d’émettre 1,19 tonne de moins dans l’atmosphère? L’action de recycler, quant à elle, permet d’économiser un maigre 0,21 tonne (Wynes et Nicholas, 2017).

 

En fait, l’empreinte carbone d’un canadien moyen est de 13,5 tonnes CO2 /année alors que pour éviter un réchauffement climatique de plus de 2 °C , tous les humains devront générer annuellement moins de 2,1 tonnes en CO2 équivalent d’ici 2050 (Wynes et Nicholas, 2017). Ces données permettent d’apprécier un portrait plus global, on doit arrêter l’hypocrisie verte, et vite.

 

De plus, malgré le portrait rose que l’on dépeint du recyclage, le modèle québécois actuel n’a jamais livré la marchandise depuis son implantation. Effectivement, les dernières données de Recyc-Québec démontrent que sur l’ensemble de toutes les matières rejetées par les ménages québécois en 2015, seulement 54 % des matières pouvant être recyclées se sont finalement trouvé à l’être. Cela est une moyenne, parce que du côté du plastique et du verre, les deux matières les moins revalorisées, ce n’est que respectivement 18 et 14 % qui sont recyclés au bout du compte (Recyc-Québec, 2017).

 

De plus, quelques matières, comme tous les plastiques, réagissent mal au recyclage, c’est ce que l’on appelle le décyclage. En bref, les molécules de plastique se dégradent lors du processus, les rendant non-recyclables dans leur nouvelle forme. Le tout dépend de la qualité et l’épaisseur du plastique, mais chaque type à un nombre fini de transformation avant de se retrouver aux poubelles. Contrairement à, par exemple, les métaux qui peuvent être recyclés à l’infini.

 

Est-ce que cela veut dire que l’on devrait arrêter de pratiquer le recyclage? Bien sûr que non! Mais une révision du modèle de collecte serait à envisager par les autorités et surtout, une diminution de la quantité de matière que vous envoyez dans votre bac de récupération serait souhaitable !

 

RÈGLE 5 : COMPOSTER

« Le compostage est un élément clé du style de vie zéro déchet : il transforme ce qui ne peut être ni refusé, ni réduit, ni réutilisé, ni recyclé » (Johnson, 2013).

 

Le compostage est un processus naturel merveilleux : les matières biodégradables, placées dans les bonnes conditions, vont être transformées en compost grâce au travail d’une panoplie de micro-organismes et d’insectes. La matière résultante, le compost, est un amendement qui vaut de l’or, demandez-le à n’importe quel bon maraîcher !

 

De plus en plus de villes se munissent d’un système de collecte des résidus organiques et vous simplifient ainsi la vie ! Si jamais ce type de collecte n’est pas disponible dans votre région, sachez qu’il est très facile de faire son propre compost à l’aide d’un composteur de maison si vous avez accès à un bout de terrain. Il est même possible de faire son propre compost à l’intérieur de la maison à l’aide de la technique du vermicompostage, il suffit d’avoir le bon équipement (je le fais chez moi sans aucun désagrément).

 

Bref, vu le mode de gestion actuelle des matières résiduelles et notre mode de vie, nous, nord-américains champions de la consommation matérielle, participons tous à la déplétion des matières premières et la création d’une quantité effroyable de déchets. Si nous ne voulons pas que les prochaines générations d’humains qualifient notre passage dans le temps comme « l’ère du gaspillage », nous nous devons d’agir contre ce gaspillage. C’est à partir de ce type de réflexion que le mouvement zéro déchet est né et de plus en plus de personnes à travers le monde désirent modifier leur leur habitudes de consommation. Ferez-vous partie de la solution ?

 

Surveillez la prochaine parution du Vitalité Québec pour des trucs et astuces pour adopter un mode de vie zéro déchet !

 

RÉFÉRENCES

Climate Change Connection (s.d.). CO2 equivalents. [En ligne]. https://climatechangeconnection.org/emissions/co2-equivalents/

Page consultée le 9 novembre 2018)

Festival Zéro Déchet de Montréal (6 novembre 2018).

En venant au Festival Zéro Déchet de Montréal 2018 […]. Facebook. [En ligne]

https://www.facebook.com/FestivalZeroDechet/posts/794274507573559

(Page consultée le 7 novembre 2018).

Greenpeace (s.d.). Million acts of blue – Faits saillants et informations. [En ligne] https://docs.google.com/document/d/1deR-Ond4Sv17J6kiV- iEbYYUVOEtS88LA0QTqclxF6o

(Page consultée le 8 novembre 2018).

Johnson, B. (2013). Zéro déchet : l’histoire incroyable d’une famille qui a réussi à limiter ses déchets à moins de 1 kg par an. Montréal,

Les Éditions Transcontinental, 400 p.

 

Terre À Soi (24 octobre 2018). Merci tout le monde d’avoir répondu […]. Facebook. [En ligne] https://www.facebook.com/events/341790393228285/perma- link/363283034412354/

(Page consultée le 7 novembre 2018).

 

Recyc-Québec (2017). Bilan 2015 de la gestion des matières résiduelles du Québec. [En ligne] https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/bilan-gmr- 2015.pdf

(Page consultée le 9 novembre 2018).

 

Wynes, S. et Nicholas, K. A. (2017) The climate mitigation gap: education and government recommendations miss the most effective individual actions. Environmental Research Letters, Volume 12, Number 7