Une pharmacie dans notre cerveau

Publié le 20 février 2020
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Une pharmacie dans notre cerveau
Bio Strath September

Saviez-vous que notre merveilleux cerveau possède sa pharmacie interne ?

 

En effet, notre système nerveux dispose de tout un arsenal de molécules dont certaines visent à calmer la douleur, à améliorer le moral ou encore à nous faire vivre des sensations euphorisantes. Qui plus est, comme dirait l’autre, nous avons du « maudit bon stock ». Les béta-endorphine, par exemple, auraient des effets analgésiques comparables à la morphine, mais en 18 à 33 fois plus puissants, proportionnellement parlant1 !

Ces molécules antidouleur et probonheur incluent des neurotransmetteurs et des hormones. Elles font partie de ce que l’on nomme le « circuit descendant de modulation de la douleur », un système qui, lorsqu’il fonctionne adéquatement, s’occupe d’atténuer de manière autonome les sensations douloureuses. Ce circuit met en jeu des structures anatomiques de notre système nerveux telles que la moelle allongée, le bulbe rachidien, l’hypophyse ou encore l’hypothalamus. On retrouve parmi les neurotransmetteurs et les hormones touchés la sérotonine, la vasopressine, l’adrénaline, l’ocytocine, l’adénosine, les endocannabinoïdes et les endo-opioïdes. L’action de ces substances, neurotransmetteurs et autres hormones, semble être importante quant aux bienfaits que l’on ressent pendant l’exercice physique ou lors d’une séance de thérapie manuelle comme l’ostéopathie. En effet, à mesure que les recherches progressent, la communauté scientifique se rend compte que les effets des massages et des traitements sur la diminution de la douleur affectent davantage les réactions de notre système nerveux que les muscles, tendons et os eux-mêmes. Penchons-nous sur quelques-unes des molécules qui font partie de cette véritable pharmacie que nous possédons.

 

Dopamine

La dopamine est connue comme étant la feel-good molecule. Elle est responsable, entre autres, de la sensation agréable et de la satisfaction ressentie lors de l’atteinte d’objectifs. On l’associe à la recherche du plaisir, et son déséquilibre peut être lié au phénomène de dépendance. Parmi les effets positifs de la dopamine, on retrouve les éléments suivants : elle permet d’accroître la motivation, elle favorise la concentration, l’apprentissage et un sommeil récupérateur, et elle permet de régulariser les réponses émotionnelles.

En nous fixant de petits objectifs, par exemple progresser au fil des semaines vers la réalisation de 20 minutes de marche rapide par jour, comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé, nous provoquons le relâchement de ce neurotransmetteur aux effets positifs (sans parler des autres substances relâchées lorsque notre corps est en mouvement).

Fait intéressant, une recherche récente de 2019 parue dans la revue scientifique Cell montre que le fait de perdre espoir active un groupe de molécules dans le cerveau, appelé « neurones nociceptines », dont l’action est de supprimer la dopamine2. Maintenir une attitude positive et cultiver l’espoir en de jours meilleurs lorsque nous vivons des épisodes douloureux sont donc importants, même sur le plan neurochimique !

 

Sérotonine

La sérotonine est un autre neurotransmetteur sécrété, entre autres, dans le tronc cérébral. Cette molécule améliore le moral, diminue l’agressivité et améliore la régularité du sommeil. Elle joue aussi un rôle dans des fonctions aussi diversifiées de notre organisme que l’appétit, l’activité motrice et cognitive du cerveau et les réactions émotionnelles.

La sérotonine est devenue célèbre, et sera toujours associée à l’invention des antidépresseurs, qui permettent d’influencer la quantité de sérotonine dans l’organisme (cependant, ce n’est pas le seul moyen). L’exercice, les relations interpersonnelles agréables, la sensation d’être écouté, compris et respecté, ainsi que la thérapie manuelle telle que l’ostéopathie et la massothérapie sont toutes des avenues qui ont été étudiées et qui permettent au cerveau de stimuler la sécrétion de sérotonine3 .

 

Ocytocine

L’ocytocine est une hormone relâchée par l’hypophyse souvent associée à la féminité ou encore à la grossesse. Néanmoins, elle fait bien plus que cela. Tout le monde produit de l’ocytocine, et cette hormone est en lien avec le bien-être, la création de liens affectifs, l’intimité et la confiance. La sécrétion d’ocytocine favorise, entre autres, l’absorption des nutriments et la réduction de l’anxiété. Cette hormone permet de mieux conserver l’énergie, et améliore la qualité du sommeil et de la récupération4. Elle semble même améliorer le fonctionnement du système immunitaire et réduire le stress cardiovasculaire5. En thérapie manuelle, des recherches ont permis de démontrer que des massages rassurants pendant lesquels le patient a l’impression que l’on prend soin de lui permettent de relâcher davantage d’ocytocine6.

 

Adrénaline

L’adrénaline est un neurotransmetteur, et une hormone aussi appelée « épinéphrine », sécrété par notre système nerveux et nos glandes surrénales. Elle engendre une augmentation du rythme cardiaque, une hausse de la pression artérielle et une dilatation des bronches. L’adrénaline nous aide à faire face à une menace, et nous la sécrétons lors d’un besoin d’énergie (à la pratique d’une activité vigoureuse, par exemple). L’adrénaline réduit la perception de la douleur et est l’une des raisons (avec les endorphines) pour laquelle l’activité sportive apporte un effet analgésique. Les effets de l’adrénaline sur la douleur peuvent se poursuivre pendant quelques heures après une séance d’exercice. Comme beaucoup de choses dans la vie, il faut favoriser un sain équilibre. En effet, l’anxiété chronique peut maintenir le taux d’adrénaline élevé de manière excessive, ce qui peut causer des problèmes de santé au fil du temps.

 

Endorphines

Les endorphines sont des neuropeptides sécrétés par le cerveau, la moelle épinière et la glande hypophyse dont le rôle est principalement d’inhiber les signaux douloureux. Elles peuvent aussi créer des sensations euphorisantes comme le fameux runners high, expérimenté après une course. Plusieurs activités variées ont été étudiées quant au fait qu’elles favorisent la relâche d’endorphine par le système nerveux. On y retrouve l’activité sportive vigoureuse, bien sûr, mais aussi le fait de rire, les relations intimes et sexuelles, l’écoute de musique et la méditation. Pour la thérapie manuelle, les recherches ont démontré que du travail lent, appliqué et graduel sur les tissus profonds stimule la relâche d’endorphines chez le patient7. Les techniques ostéopathiques semblent aussi avoir un effet sur la relâche d’endorphines8.

 

Résumé

Notre système nerveux possède un arsenal très impressionnant de molécules pour l’aider à gérer la douleur et favoriser le bien-être. Plusieurs options peuvent être utilisées pour tirer avantage de cette endopharmacie, parmi elles l’exercice physique, la méditation, une saine alimentation, des rapports sociaux agréables et la thérapie manuelle.

 

RÉFÉRENCES

1. LOH et coll. « Beta-endorphin is a potent analgesic agent », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 73, no 8, août 1976, p. 2895-2898.

2. PARKER et coll. « A Paranigral VTA Nociceptin Circuit that Constrains Motivation for Reward», Cell, juillet 2019.

3. MIGUEL DIEGO, TIFFANY FIELD, MARIA HERNANDEZ-REIF, CYNTHIA KUHN

ET SAUL SCHANBERG. Cortisol Decreases and Serotonin and Dopamine Increase Following Massage Therapy, 7 juillet 2009, p. 1397-1413.

4. J. GUTKOWSKA ET M. JANKOWSKI. « Oxytocin revisited: its role in cardiovascular regulation», Journal of Neuroendocrinology, vol. 24, no 4, avril 2012, p. 599-6.

5. A. VIGOTSKY et coll. « The Role of Descending Modulation in Manual Therapy and Its Analgesic Implications: A Narrative Review », Pain Research and Treatment, 2015.

6. B. KAADA ET O. TORSTEINBØ. « Increase of plasma beta-endorphins in connective tissue massage », General Pharmacology, vol. 20, no 4, 1989, p. 487-489.

7-8. M. PAYSON ET H. S. HOLLOWAY. « Possible complications of using naloxone as an internal opiate antagonist in the investigation of the role of endorphins in osteopathic manipulative treatment », Journal of the American Osteopathic Association, vol. 84, no 1, 1984, p. 152-156.