Usage sécuritaire des huiles photosensibilisantes durant la période estivale

Publié le 10 juillet 2017
Écrit par Stéphanie Plamondon, Ac., M. Sc.

Usage sécuritaire des huiles photosensibilisantes durant la période estivale

Détendez-vous, prenez une grande respiration et humez l’odeur d’un gazon fraîchement coupé ou d’une noix de coco tout juste ouverte.

Délicieux, n’est-ce pas ? Une des molécules à l’origine de ces agréables odeurs fait partie de la famille des coumarines, largement répandues dans la nature et utilisées abondamment par l’industrie des cosmétiques et de la parfumerie.

En aromathérapie, les coumarines sont présentes dans plusieurs huiles et essences aromatiques, leur conférant des propriétés thérapeutiques calmantes et antispasmodiques remarquables. Cependant, certaines de ces coumarines réagissent négativement à la lumière du soleil et rendent les huiles et essences qui en contiennent phototoxiques ou photosensibilisantes.

En ce début d’été ensoleillé, nul besoin de remiser les huiles et essences riches en coumarines ! Voici un petit guide permettant de profiter pleinement et en toute sécurité de leurs bienfaits.

Il n’est pas rare de voir, dans certains livres ou sur Internet, des recettes de lotions contenant des huiles essentielles et des essences aromatiques, de zeste de bergamote ou d’orange amère par exemple, prétendant favoriser le bronzage de la peau. Ces recommandations s’avèrent toutefois imprudentes, puisqu’elles impliquent un processus physiologique qui, s’il encourage en effet le brunissement de la peau, peut également provoquer des irritations cutanées sévères et même parfois le développement de cellules potentiellement cancéreuses.

Bien qu’il ne soit jamais prudent d’exposer la peau directement au soleil après avoir appliqué des huiles essentielles, précisons néanmoins qu’elles ne sont pas toutes photosensibilisantes. En effet, ce sont les huiles riches en coumarines, et plus précisément en furocoumarines, qui sont les plus réactives aux rayons UV du soleil et susceptibles d’induire des lésions de la peau.

 

À LA DÉCOUVERTE DES COUMARINES

Une des premières molécules naturelles de coumarine fut découverte en France, en 1820, et synthétisée quelques années plus tard, en 1868, en tant que médicament anticoagulant, donnant naissance à la warfarine, un agent pharmacologique mieux connu sous le nom commercial de Coumadin®. Il est à noter que seules les coumarines synthétisées en laboratoire (ou naturellement en dicoumarol par des microorganismes fongiques) possèdent des propriétés franchement anticoagulantes qui peuvent mener, parfois, à des accidents hémorragiques. Les coumarines retrouvées à l’état naturel dans les plantes et les huiles essentielles, elles, renforcent plutôt les parois des vaisseaux sanguins sans toutefois provoquer de désordres de la coagulation.

Il existe près de mille différents types de coumarines, des molécules naturelles qui se retrouvent dans plusieurs plantes et qui dégagent une odeur plaisante et sucrée, très recherchée en parfumerie. En effet, c’est plus de 75 % des parfums retrouvés sur le marché qui en contiennent. Bien que les coumarines libèrent une odeur agréable d’herbe fraîche, certaines d’entre elles sont amères au goût et constituent ainsi une protection que les plantes développent afin de se protéger contre les prédateurs.

De nombreux végétaux contiennent des coumarines, dont la fève de tonka, la feuille du vanillier, le foin d’odeur, la molène, le gaillet, la feuille de maïs et le trèfle rouge. Certains fruits en contiennent également, comme les fraises, les cerises et les abricots, leur conférant leur odeur sucrée et appétissante typique.

 

PRÉSENCE DE COUMARINES DANS LES HUILES AROMATIQUES

Les coumarines sont des molécules qui se retrouvent en toute petite quantité, entre 0,05 % et 3 %, dans certaines huiles et essences aromatiques. Certaines huiles d’exception peuvent toutefois en contenir jusqu’à 6 %, comme celle du zeste de l’orange amère par exemple, bien que cela demeure plus rare. Malgré leur faible présence, les coumarines s’avèrent puissantes et confèrent aux huiles qui en contiennent des propriétés équilibrantes du système nerveux précieuses.

En effet, cette faible concentration suffit à conférer à ces huiles des propriétés thérapeutiques appréciées, dont celles d’induire une grande relaxation du système nerveux et de promouvoir un sommeil profond et réparateur. C’est le cas, notamment, des essences de zeste d’orange, de mandarine et de bergamote. De plus, elles possèdent des propriétés digestives et antispasmodiques, en plus d’être antivirales. D’autres huiles contiennent des coumarines qui manifestent des propriétés très spécifiques, comme la visnadine, une molécule présente dans l’huile de khella (Ammi visnaga) et qui possède des propriétés bronchodilatatrices et antiasthmatiques reconnues. Il s’agit ainsi de molécules très intéressantes, qui permettent de soulager de nombreux problèmes de santé.

 

UN PEU DE BIOCHIMIE

Les coumarines, un sous-groupe de lactones, sont issues de l’acide cinnamique et sont métabolisées dans les plantes par la voie des phénylpropanoïdes (qui donnent naissance à de nombreuses molécules retrouvées dans les huiles et essences aromatiques). Il en existe des centaines, les plus courantes étant :

  • l’auraptène (présent dans le zeste d’orange) ;
  • le bergaptène (présent dans le zeste de bergamote) ;
  • l’herniarine (présente dans la lavande vraie) ;
  • la scopolétine (présente dans le zeste de citron).

Parmi les coumarines, le bergaptène est la molécule la plus photosensibilisante, au point qu’elle a donné son nom à la réaction cutanée qu’elle provoque : la dermatite bergapténique, ou berloque, qui est apparue dans les années 1950 après que de nombreux parfums contenant des huiles de bergamote, d’orange et d’autres agrumes ont été créés.

Comme leur masse est large et lourde, les coumarines ne sont pas facilement entraînées par la vapeur d’eau et sont donc beaucoup plus présentes dans les huiles obtenues par expression que par distillation. Pour cette raison, elles sont plus abondantes dans les essences de zeste d’agrume que dans toute autre huile aromatique :

  • Bergamote (Citrus aurantium bergamia)
  • Citron (Citrus limonum)
  • Lime (Citrus limetta)
  • Mandarine (Citrus reticulata)
  • Orange amère (Citrus aurantium aurantium)
  • Orange douce (Citrus sinensis)
  • Pamplemousse (Citrus paradisi)

La grande majorité des huiles de zeste d’agrume que l’on retrouve sur le marché sont extraites par expression et concèdent une essence aromatique plutôt qu’une huile essentielle. Ces essences sont habituellement plus phototoxiques que le même zeste qui est distillé. Ainsi, une essence aromatique de lime est plus photosensibilisante que son huile essentielle. La méthode d’extraction joue donc un rôle important dans la quantité de coumarines qui se retrouvent dans les huiles et essences aromatiques.

Certaines huiles essentielles en contiennent néanmoins, quoiqu’en plus faibles concentrations. C’est le cas notamment des huiles suivantes :

  • Angélique (racine et semences) (Angelica archangelica)
  • Céleri (racine) (Apium graveolens)
  • Coriandre (Coriandrum sativum)
  • Estragon (Artemisia dracunculus)
  • Fenouil (Foeniculum vulgare)
  • Lavande vraie (Lavandula angustifolia)

 

SYMPTÔMES DE PHOTOTOXICITÉ

Il est important de retenir que les huiles et essences riches en coumarines ne provoquent pas d’irritations cutanées en elles-mêmes ; plutôt, elles causent des problèmes de peau lorsque celle-ci est exposée aux rayons ultraviolets du soleil.

S’ensuit alors une phytodermatose, qui entraîne un rash cutané, des démangeaisons qui peuvent être intenses ainsi que des cloques ou ampoules. Plus tard, lorsque l’irritation initiale se résorbe, des taches brunes peuvent apparaître, qui ont le potentiel de devenir permanentes et précancéreuse. Ceci est dû au fait que les coumarines, et plus particulièrement, les furocoumarines, se lient aux kératinocytes, des cellules spécialisées de la peau qui produisent de la kératine, et perturbent leur fonctionnement en agissant telle une loupe qui absorbe et amplifie le rayonnement ultraviolet du soleil.

SIGNES DE PHOTOTOXICITÉ

  • Brunissement de la peau ;
  • Cloques et ampoules ;
  • Démangeaisons ;
  • Œdème et inflammation ;
  • Rougeur sévère (ressemblant à un coup de soleil).

Cette réaction peut subvenir plusieurs heures après avoir étendu des huiles riches en coumarines sur la peau. Par mesure de sécurité, il est donc recommandé d’éviter le soleil de 12 à 18 heures après leur application, de les utiliser le soir ou de recouvrir la peau d’un vêtement le jour, lors d’une exposition au soleil (même par temps nuageux). Ces recommandations prévalent pour les massothérapeutes, qui peuvent recourir à de nombreuses huiles photosensibilisantes dans le cadre de leur pratique. Il est à noter que la prise par voie orale d’huiles coumariques ne provoque généralement pas d’effets phototoxiques et constitue, à cet effet, une voie d’administration sécuritaire. La diffusion de ces huiles est une autre façon d’éviter leur effets photosensibilisants.

Quoique la réaction puisse s’avérer moins puissante, l’effet phototoxique des huiles coumariques survient même si ces dernières sont diluées. Il faut donc se méfier des produits qui demeurent sur la peau, à savoir les lotions corporelles, les crèmes faciales, les baumes à lèvres et les parfums. Par contre, aucun risque de photosensibilité n’est associé à l’usage de préparations qui sont rincées. C’est le cas notamment des shampoings, des savons et des gels douche, par exemple. Rappelons enfin que dans une formule d’huiles essentielles dans laquelle il n’y en aurait qu’une seule photosensibilisante, c’est toute la formule qui le deviendrait.

Il existe sur le marché une bergamote de laquelle la molécule de bergaptène a été retirée, du nom de Bergamote FCF (Furocoumarin Free). Bien que cette huile ne représente en effet plus de photoxicité, il s’agit d’une huile rectifiée, dont l’odeur et les effets thérapeutiques ne sont plus les mêmes que ceux de l’essence de bergamote pure. Il est toujours préférable de recourir à des huiles intègres et authentiques, en adoptant certaines mesures de précaution suggérées plus haut.

 

QUELQUES FORMULES

Malgré l’effet photosensibilisant de certaines huiles et essences aromatiques, il n’est pas nécessaire (ni même souhaitable !) de les mettre de côté durant la période estivale et de se passer de leurs nombreux avantages. Les formules suivantes permettent de profiter pleinement de leurs bienfaits tout en se protégeant de leurs effets indésirables :

 

FORMULE ANTISPASMODIQUE MUSCULAIRE

  • 5 gouttes d’HE de gaulthérie (Gaultheria procumbens) bio
  • 3 gouttes d’HE de basilic (Ocimum basilicum) bio
  • 3 gouttes d’essence d’orange douce (z) (Citrus sinensis) bio
  • 2 gouttes d’HE d’eucalyptus citronné (Eucalyptus citriodora) bio
  • 15 ml (1 c. à s.) huile végétale d’amande  douce  bio

Combiner tous les ingrédients dans un flacon opaque en verre et masser doucement et en profondeur la région contractée et douloureuse. Utiliser la formule le soir, ou couvrir la peau si utilisée le jour.

 

FORMULE RELAXANTE ET SÉDATIVE

  • 5 gouttes d’essence de bergamote (z) (Citrus aurantium bergamia) bio
  • 5 gouttes d’HE de lavande vraie (Lavandula angustifolia) bio
  • 5 gouttes  d’essence  de  mandarine  (z)  (Citrus  reticulata)  bio

Placer les gouttes dans un diffuseur ou un nébulisateur électrique, et diffuser durant 20 à 30 minutes. Cette formule profondément apaisante et équilibrante du système nerveux peut être utilisée autant le soir que le jour, en toute sécurité.

 

FORMULE ANTIVARICES

  • 10 gouttes d’HE de géranium (Pelargonium x asperum var. bourbon) bio
  • 10 gouttes d’essence de citron (z) (Citrus limonum) bio
  • 5 gouttes d’HE de cyprès (Cupressus sempervirens) bio
  • 3 gouttes d’HE de patchouli (Pogostemon cablin) bio
  • 2 gouttes d’HE d’hélichryse italienne (Helichrysum italicum) bio
  • 30 ml (2 c. à s.) huile végétale de calophylle bio

Combiner tous les ingrédients dans un flacon en verre opaque et masser sur les varices, 1 ou 2 fois par jour. Cette formule permet de fortifier la paroi des veines et de résorber les varices. Utiliser le soir, et bien protéger la peau des jambes des rayons du soleil si appliquée le jour.

Les huiles et essences aromatiques possèdent de nombreuses propriétés thérapeutiques desquelles il est possible de profiter quotidiennement tout en évitant certains de leurs effets indésirables en respectant quelques règles de précaution. Les huiles coumariques font partie de ces merveilleuses huiles apaisantes et équilibrantes. Bon été !