Végétaux ravigotants du printemps

Publié le 30 avril 2020
Écrit par Anny Schneider, Auteure et herboriste-thérapeute accréditée

Végétaux ravigotants du printemps

J’ai fait parler le loup et répondre l’agneau. Puis j’ai passé plus en avant : les arbres et les plantes sont devenus pour moi des créatures parlantes. Jean de la Fontaine (contre ceux qui ont le goût difficile, livre II, fable 1)

 

Les chiffres variant selon les lieux, les sources et les données, notre humanité daterait de 500 000 à 1 million d’années, et nos ancêtres homo sapiens ont de tout temps étudié, compris et utilisé toutes les ressources accessibles provenant de la nature sauvage, le règne végétal en tête, lui-même âgé de près de 500 millions d’années !

La chasse et la pêche ont été nos principales sources de nourriture, mais depuis toujours, les arbres et les plantes servent de compléments, de sources de nutriments et de remèdes incontournables, encore plus convoités à la fin de l’hiver. Comme nous, les plantes sont des nomades ayant le plus souvent migré du sud au nord, parfois d’est en ouest, repoussés autant par les canicules que les glaciations, et transportés par les êtres humains vagabonds ainsi que les oiseaux de passage.

Si les hommes étaient surtout des chasseurs-pêcheurs qui partaient en bande parfois durant des semaines entières à la poursuite des troupeaux, les femmes restaient sédentaires, dans les grottes ou les huttes pour s’occuper des aînés, des enfants et des nouveau-nés. C’est ainsi qu’elles ont développé la science de l’observation des plantes, de leur identification et de la transformation la plus adéquate selon le rythme des saisons. Ce sont elles, aussi, les mères de l’agriculture. À preuve, les cultes de la déesse-mère, de Gaïa, de Mithra, de Cérès, de Flora ou de Déméter qui ont perduré durant des milliers d’années.

La plupart des plantes, comme les êtres humains, ont des origines communes, sans doute africaines, qui ont suivi les pas des migrants, parfois transportées sous forme de graines ou de racines. Ceux-ci les emportaient sciemment ou par accident, mêlées à d’autres semences plus nutritives comme les céréales (par exemple les poacées, comme l’épeautre, le kamut, l’avoine ou l’orge, en Europe ; le maïs, en Amérique ; le riz, en Asie).

Aujourd’hui, dans le sud du Canada, par exemple, 80 % des espèces de plantes sauvages sont des importées, entre autres à cause de l’urbanisation et de l’agriculture intensive ainsi que des friches délaissées en attendant d’être dézonées. Les plantes réellement indigènes ne poussent que dans les forêts et les marais, en sérieuse régression, faut-il le rappeler.

Voici néanmoins une énumération des parties comestibles des plantes printanières les plus utiles à tous, nutritives et thérapeutiques, et des premiers végétaux à se pointer après le long temps des grandes neiges.

 

Les plantes printanières les plus accessibles

Celles-ci sont les meilleures feuilles vertes à mettre dans l’assiette, le robot culinaire ou la casserole.

En cette fin d’hiver, en compensation calorifique pour contrer le froid, nous consommons une diète riche en glucides et en gras de toutes sortes. Donc, nous manquons souvent d’éléments retrouvés uniquement dans les aliments crus, frais et variés. Ainsi, il est approprié de se nourrir au moins partiellement de végétaux sauvages, cueillis dans des jardins ou des friches saines, sinon certifiés bio dans nos bons magasins de produits naturels, bien sûr !

Ces plantes nettoient nos organes d’épuration et remédient en même temps à nos carences en chlorophylle, en enzymes, en minéraux et en vitamines. À cet effet, les légumes et les plantes très verts se situent en haut de la liste des bienfaiteurs.

 

Nos meilleures pousses et feuilles vertes :

Asclépiade (Asklepias syriaca) : cette belle plante produit en été une fleur au parfum suave et au nectar particulier qui nourrit les monarques. Tôt au printemps, on consomme sa tige semblable à l’asperge, comme ses boutons floraux et ses jeunes fruits, à la vapeur. Son suc laiteux soigne les verrues, et ses aigrettes mûres servent de coton hydrophile et d’isolant. Son nom vient d’Asklepios, dieu grec de la médecine. Toute la plante est diurétique, dépurative et laxative, à faire cuire dans deux eaux pour rincer le latex, trop purgatif.

 

Chicorée (Cichorium intybus) : dans la nature, ce sont les feuilles basilaires de première année qu’on cueille, mais s’il y en a beaucoup, on peut la déterrer et faire une décoction avec sa racine en même temps.

Ce sont surtout les variétés des feuilles amères et très découpées de la chicorée cultivée qu’on retrouve dans les fruiteries. Ses feuilles sont vert foncé et relativement frisées, tout en étant coriaces et un peu amères ! Riche en vitamines du groupe B et surtout en acide folique, la feuille de chicorée draine grandement les toxines digestives et sanguines. Dioscoride, médecin et botaniste grec, suggérait la chicorée pour fortifier l’estomac et aider à uriner. Plus tard, Galien, considéré comme l’un des pères de la pharmacie antique, la nommera l’« amie du foie ».

Cette plante pousse abondamment et de façon spontanée dans les champs et sur le bord des chemins et des routes du Québec et dans tout l’hémisphère Nord. Les feuilles de première année de la variété sauvage sont grêles et similaires à celles du pissenlit, mais il en faut beaucoup pour en faire une salade. Les endives sont les racines forcées de cette variété de chicorée, la Cichorium endivia, cultivée en bac dans des caves obscures, qui nous donne les endives d’hiver, bonne source d’enzymes, de fibres prébiotiques et de minéraux.

 

Chénopode (Chenopodium album et sp.) : on lui doit l’expression Ne jetez pas vos choux gras ! Cette plante omniprésente dans les terrains vagues néanmoins riches est extrêmement nutritive en minéraux et même en protéines, et on emploie surtout ses toutes jeunes feuilles. La faire cuire à la vapeur ou l’incorporer à une salade, à une soupe, sinon à une décoction.

 

Chiendent (Agropyron repens) : on l’appelle la « peste des jardiniers » ; par ailleurs, les chiens l’adorent et se jettent dessus dès la fonte des neiges pour se purger les intestins et le sang. Quel enfant n’a jamais mâchouillé ses tiges et ses feuilles coupantes, mais sucrées, et chargées de chlorophylle et de vitamine E et C ? Les racines en cure, sous forme de décoction, ont des effets dissolvants des pierres aux reins et à la vésicule. On peut cueillir ses feuilles en même temps que déterrer ses racines au jardin et en faire une cure, comme suggéré plus loin.

 

Luzerne (Medicago sativa) : les feuilles de cette plante, parmi les préférées des vaches, sont un bon dépuratif sanguin, utile contre l’arthrite et aux effets immunostimulants. C’est une source très concentrée de chlorophylle (qu’on extrait d’ailleurs commercialement) et de toutes les vitamines, dont la K, qui favorise la coagulation. Paradoxalement, elle contient des coumarines qui ont l’effet inverse, sans oublier un haut taux d’enzymes. Germée, elle contient également des prohormones féminines et des protéines. Ses jeunes feuilles peuvent se manger hachées crues, ou légèrement cuites en soupe ou en sauté ; on peut aussi ajouter ses fleurettes estivales à une salade.

 

Marguerite (Chrysanthemum leucanthemum) : les délicates feuilles de marguerite apparaissent dès la fonte des neiges. Ajoutées à un smoothie ou à une salade, elles ont un goût sucré, une texture agréable et sont digestives, laxatives et hypotensives.

 

Mauve (Malva moschata) : dès le dégel, on peut cueillir ses petites feuilles en rosette, riches en mucilages et en vitamines (A, C et E), et les incorporer à une salade. Plus tard en été, on peut aussi manger ses jolies fleurs blanches ou roses, pectorales et légèrement laxatives, crues de préférence, pour préserver leurs vertus.

 

Mouron des oiseaux ou stellaire (Stellaria media) : cette toute petite plante au feuillage brillant très fin et aux fleurettes en étoiles blanches est entièrement comestible, au-delà de son goût terreux. Même si ses feuilles et ses fleurs sont tendres, il est conseillé de les faire blanchir rapidement à cause de sa haute teneur en vitamine C. Vous pouvez les consommer en soupe, ou encore, les faire mariner dans du vinaigre. La stellaire draine les mauvais gras accumulés dans les coussins et circulant dans la lymphe. En tisane, elle calme le système nerveux.

 

Ortie dioïque (Urtica dioïca) ou ortie des bois (Laportea canadensis) : cette plante de friche ou des bois à l’humus riche est une puissante dépurative du sang, diurétique et reminéralisante. Elle pique au contact, à cause de l’acide formique de ses poils urticants. Ses graines sont nutritives et favorisent la repousse des cheveux ; ses fibres sont tissées en étoffe résistante. Ses jeunes feuilles terminales se mangent en potage, se boivent en décoction ou s’ajoutent à un smoothie. Autrement, toute jeune et crue, finement hachée, on l’ajoute à une salade.

 

Pissenlit (Taraxacum officinale) : les premières feuilles de pissenlit constituent une excellente source de vitamine A et de minéraux (calcium, magnésium, fer), et sa racine contient de l’inuline et du potassium. Les fleurs, en salade, en gelée ou en teinture mère, soignent les problèmes du foie. Dès qu’elles montent en fleur, la tige et son latex, amer mais virucide, s’ajoutent finement hachés à une laitue plus douce. La racine d’automne ou de printemps nettoie à merveille les reins. Comme son nom le dit, évitez d’en boire le soir.

 

Violette (Viola odorata et sp.) : cette jolie demoiselle violette, mais parfois blanche ou jaune (!), se mange telle quelle ou garnit joliment une salade. Elle se sèche facilement et se boit en tisane, contre les maux de gorge et les infections pulmonaires. Ajoutées à une salade ou à une soupe, les feuilles soulagent les maladies du sang et les déséquilibres immunitaires. La racine est dépurative, mais en excès, vomitive.

 

Conclusion

Réjouissez-vous de la venue du renouveau et sachez profiter de cette pharmacie verte inespérée qui pousse et s’offre à vous, gratuitement, sous vos yeux, à vos pieds ! De plus, même la cité, voire la planète entière, ne s’en portera que mieux.

Laissons prospérer partout nos précieuses sauvagesses végétales ! Sinon, si vous vivez à la campagne, cueillez-les dans un endroit sain. Semées ou repiquées dans une bonne terre, elles vous donneront leur plein potentiel gustatif et médicinal, et, à force de les avoir vues pousser, joie suprême, vous les apprécierez encore plus ! À cueillir juste avant votre repas ou votre cocktail santé du matin, tellement plus savoureux ainsi !

Comme toujours, même quand il est question de salades, c’est ce dont on a pris bien soin et qu’on aime le plus qui nous fera le plus de bien !

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Jus dépuratif ou décoction multidrainante

La toxémie est la première cause de maladie, donc nettoyer nos organes d’épuration est toujours une bonne idée au printemps, surtout à l’aide de jeunes pousses vitaminées !

Préparez-vous un cocktail ou une décoction rapide et simple, avec, en parts égales, ces trois plantes feuilles ou leurs racines traditionnellement utilisées depuis des siècles, agréables à boire, de surcroît !

 

Feuilles et racines de chiendent, de chicorée et de pissenlit

Rincer les racines et les feuilles et déposer dans un bon mélangeur électrique. Ajouter de l’eau pure ou un fruit de qualité bio. Faites une cure de 7 à 10 jours en consommant un verre du smoothie avant le petit déjeuner et avant le diner, vu ses vertus diurétiques. Pour faire la décoction, rincer, faire bouillir 2 minutes, infuser 5 minutes, filtrer, et boire le jour avant les repas.

 

Références

BALCH, Phyllis A. Prescription for Nutritional Healing, 5e éd., Penguin Books, 2006, 868 p.

MURRAY, Michael T. (ND) et Joseph E. PIZZORNO. Encyclopedia of Natural Medicine, 3e éd., Simon and Schuster Books, 2012, 622 p.

Sinusite : www.allodocteurs.fr Sinusite : www.passeportsante.net

Et les 40 ans d’expérience d’Anny Schneider, herboriste-thérapeute accréditée.