Verdures ravigotantes du renouveau

Publié le 20 avril 2016
Écrit par Anny SCHNEIDER, Auteure et herboriste-thérapeute accréditée

Verdures ravigotantes du renouveau

« Sur les traces de Tournefort (célèbre médecin herboriste du XVIIe siècle),

Je cours, je vole avec transport,

Je vois la nature embellie

Des plantes dont les sucs puissants ont dans nos membres languissants

Répandre une nouvelle vie.»

– Abbé René Just, botaniste-herboriste du XVIIIe siècle

 

En cette fin d’hiver lumineux mais froid, pour nous réchauffer, la plupart d’entre nous consomment de préférence des gras saturés et des hydrates de carbone concentrés. Il en résulte un excès de capitons de gras indésirables, aux mauvais endroits bien sûr, sinon du sang plus épais, une immunité et une vitalité effectivement diminuées.

Avec ce régime appauvri, quand peu de crudités et légumes vraiment frais sont disponibles sous nos cieux, ceci explique le fait que, en carence d’enzymes et de vitamines, nous manquions plus facilement d’énergie. Mais heureusement, même sur un petit terrain laissé au naturel, notre environnement proche recèle des joyaux verts et goûteux encore trop méconnus.

 

DES TRÉSORS SERAIENT CACHÉS DANS NOS PELOUSES ? EFFECTIVEMENT !

Sachez utiliser à profit votre gazon, véritable potager médicinal !

La pharmacie du bon Dieu, ou celle de la Nature, fait très bien les choses d’elle-même, quand on la laisse pousser en paix et sait l’interpréter correctement.

Ainsi, elle peut vous nourrir et vous soigner, avec ses fées vertes accessibles sous vos pieds, au seuil même de votre porte.

Apprenez à cueillir au bon moment ces plantes qui sont autant de pourvoyeurs d’oxygène, d’ornements, de médicaments, mais aussi de légumes et de salades qui renferment de précieux nutriments : antioxydants, enzymes, protéines, sucres, vitamines et minéraux…

Souvenez-vous qu’une pelouse artificielle contient rarement plus de quatre plantes sélectionnées (souvent modifiées génétiquement), alors qu’une prairie sauvage héberge autour de quatre cents espèces qui se relayent, chacune à son temps, saison après saison, dans une joyeuse interdépendance alternée.

 

PRÉCAUTIONS POUR UNE CUEILLETTE RAISONNABLE

  • Cueillir uniquement les journées ensoleillées dans un endroit sain, loin de la fosse septique, sans déjections de chats ou chiens,
    et pas trop près d’une route très passante.
  • Évidemment, ne jamais récolter dans une pelouse traitée aux herbicides, pratique désormais prohibée dans plusieurs municipalités mais pas toutes, informez-vous si votre voisin a fait ce choix désormais contestable…
  • Avant d’en faire une salade ou avant une décoction,
    rincer vos feuilles dans deux à trois litres d’eau avec un peu de vinaigre, avant une décoction aussi.
  • Si on cueille à la campagne, il faut systématiquement demander
    la permission aux propriétaires des lieux de récolte, se limiter à un plant sur vingt et épargner les racines. Bien sûr, il ne faut jamais cueillir dans les parcs nationaux ni les réserves protégées, sous peine d’a mende salée !

 

Accent sur les plantes sauvages les plus accessibles, utiles et reconnues pour leurs vertus nutritives et médicinales :

Chénopode (Chenopodium album et sp.) : on lui doit l’expression « Ne jetez pas vos choux gras ! » Effectivement, cette adventice des jardins, largement échappée de culture, est extrêmement nutritive, surtout toute jeune. La faire cuire à la vapeur ou l’incorporer à une soupe. Même ses graines mûres (jusqu’à 70 000 par plant !) sont très riches en fer, en lipides et en protéines. Le chénopode constitue un bon aliment de survie.

Chiendent (Agropyron repens) : on l’appelle la « peste des jardiniers », et pourtant, les chiens l’adorent et se jettent dessus dès la fonte des neiges, pour se purger les intestins et le sang. Quel enfant n’a jamais mâchouillé ses tiges coupantes, mais sucrées ? Finement hachées en salade, en fin de cuisson d’une soupe ou même en jus pur à l’extracteur, un peu comme l’herbe de blé.

Lierre terrestre (Glechoma hederacea) : ce couvre-sol très épandu et vivace aux fleurettes violettes se reconnaît au parfum camphré de ses feuilles arrondies et dentelées.

Il s’ajoute à une salade ou à une soupe, sinon se boit bouilli ou séché en tisane, contre le rhume, les allergies et toutes sortes d’inflammations, des intestins aux sinus. On peut même inspirer par le nez sa poudre séchée pour le déboucher et soulager certaines céphalées. En juin, on ajoute ses petites fleurs violacées gorgées de nectar sucré à une salade ou un dessert.

Luzerne (Medicago sativa) : la feuille de cette plante, parmi les préférées des vaches, est un bon diurétique, utile contre l’arthrite et dépuratif sanguin aux vertus immunostimulantes.

C’est une source très concentrée de chlorophylle (on en extrait d’ailleurs commercialement), de toutes les vitamines (dont la K, à effet coagulant), paradoxalement aussi de la coumarine (à l’effet inverse de la K), sans oublier un haut taux de minéraux de base. Elle contient également des phytohormones féminines et des protéines, surtout consommée germée. Ses feuilles peuvent se manger hachées crues ou légèrement cuites en soupe ou en sauté, ou encore ses fleurettes estivales ajoutées à une salade.

Mauve (Malva moschata, neglecta, sylvestris) : dès le dégel, on peut cueillir ses petites feuilles en rosette, riches en mucilages et vitamines (A, C et E) et l’incorporer à une salade. Plus tard en été, on peut aussi manger ses jolies fleurs blanches ou roses légèrement laxatives et pectorales. Elles se consomment de préférence crues ou à peine infusées, pour préserver ses vertus.

Marguerite : les délicates feuilles de marguerite apparaissent dès la fonte des neiges. Elles ont un goût sucré très agréable et sont digestives, laxatives et hypotensives. Les fleurs ont d’autres vertus, plus cholagogues et tonicardiaques, tel que décrit dans mon ouvrage Ces fleurs qui soignent.

Mouron ou stellaire (Stellaria media) : cette toute petite plante au feuillage brillant très fin et aux fleurettes en étoiles blanches est entièrement comestible. On peut les consommer en soupe ou encore les faire mariner dans du vinaigre mélangé à une plante plus aromatique, pour profiter de leurs vertus, en toute saison. La stellaire draine les mauvais gras accumulés et circulants dans la lymphe. En tisane, elle calme le système nerveux, et on peut même rasséréner l’âme en fixant un certain temps sa fleur étoilée si rafraîchissante dans sa candeur immaculée.

Ortie dioïque (Urtica dioica) ou ortie des bois (Laportea canadensis) : cette plante de friche ou de bois est une puissante dépurative du sang, diurétique et reminéralisante, très utile contre nombre de malaises contemporains courants. Elle pique au contact, à cause de l’acide formique de ses poils urticants. Ses graines sont nutritives et favorisent la repousse des cheveux, ses fibres étaient tissées en étoffe résistante. Ses jeunes feuilles se mangent en potage ou se boivent en décoction, tisane ou même, toutes jeunes et crues, finement hachées en salade.

Oxalide (Oxalis acetosella) ou oxalide des bois (Oxalis montana) : cette surette, vrai symbole du trèfle irlandais de la Saint-Patrick, est très riche en vitamine C et en acide oxalique. On peut la manger en trempette ou jouter aux salades, sans exagérer, à cause de son acidité. En externe, elle soigne les plaies infectées et, en concentré vinaigré, elle aide à clarifier le teint brouillé et à dissoudre les taches brunes.

Plantain (Plantago major) : cette autre vigoureuse importée à grosses feuilles rondes nervurées ou lancéolées (Plantago lanceolata) pousse dans presque tous les gazons et chemins de passage. C’est pour cela qu’on l’appelle le « pas de l’homme blanc ». Ses jeunes feuilles peuvent s’ajouter à une salade ou à une soupe. Fraîchement écrasées, elles soulagent les piqûres d’insectes de tous types. En interne, cette plante adoucit les muqueuses, des poumons au côlon, et sous forme d’onguent, elle soulage toutes les démangeaisons et infections mineures.

Pissenlit (Taraxacum officinale) : les premières feuilles de pissenlit constituent une excellente source de vitamines A et de minéraux (calcium, magnésium, fer), et sa racine est riche en inuline et en potassium. Les fleurs en salade, en gelée ou transformées en vin soignent les problèmes de foie. Quand les pissenlits montent en fleurs, leurs tiges contenant un latex amer s’ajoutent finement hachées à une laitue plus douce. La racine d’automne ou du printemps nettoie à merveille les reins. Son nom le dit, évitez d’en boire ou d’en manger trop le soir !

Pourpier (Portulaca oleracea) : aussi nommé « pied de poulet » ou « porcelaine », le pourpier surgit même des interstices des trottoirs urbains ou s’invite dans les potagers à terre riche. Sa texture craquante et son goût de terre saine l’ont même fait s’inviter dans les salades mixtes des restos très chics. Ses feuilles sont concentrées en vitamines B et C, en acides gras polyinsaturés, en protéines, en mucilages et en potassium. Il se mange cru ou cuit à la vapeur.

Violette (Viola odorata et ssp.) : cette jolie demoiselle à tête violette, mais parfois blanche, rose pâle ou même jaune, se mange telle quelle ou garnit joliment une salade. Elle se sèche facilement et se boit en tisane contre les maux de gorge et les infections pulmonaires. Ses feuilles, grâce à leur haute teneur en acide salicylique, en quercétine et en violine, entre autres, ajoutées à un potage ou en décoction, soignent les maladies du sang et les déséquilibres immunitaires.

Avec ces renseignements et la conscience éclairée que tous les changements décisifs prennent forme dans votre corps et dans votre cour, vous vivrez mieux et plus longtemps.

Sachez profiter de cette pharmacie verte inespérée qui pousse et s’offre à vous, gratuitement, sous vos yeux, à vos pieds !

De plus, la cité, voire la planète entière ne s’en portera que mieux. Laissons prospérer partout nos précieuses sauvagesses végétales !

 

RÉFÉRENCES

BARDEAU, Fabrice. La santé à la pharmacie du bon Dieu, Paris, Stock, 1973, 350 p. SAURY, Alain et Bianca SAURY. Se nourrir, se guérir aux plantes sauvages, Paris, Tchou Éditeur, 1977, 268 p.

SCHNEIDER, Anny. Je me soigne avec les plantes sauvages, 3e version, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2011, 300 pages.

SCHNEIDER, Ernest Dr. Des plantes pour votre santé, Dammarie-les-Lys, Éditions SDT, 1974, 518 p.

VERMEULEN, Nico. L’encyclopédie des plantes aromatiques et médicinales, Paris, Succès du Livre, 2003, 320 p.

FOSTER Steven et DUKE James A. Peterson Field Guide to Medicinal Plants and Herbs, New York, 2014, 457 pages.

BERGLUND Berndt et Clare BOLSBY. The Edible Wild, Toronto, Modern Canadian Library, 1974, 188 pages.

BAUER, Eduard et Adolf OERTEL. Heilplanzen und Gesundheitsbuch, Colmar, Como Verlag, 1943, 359 p.